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et pourquoi ne pas le dire ?
5 juin 2011

Images de prof (2)

Thèse, antithèse, synthèse : On est maintenant dans l'antithèse et ce portrait dans ce tryptique sera celui de l'antithèse. C'est le prof qu'on aurait aimé ne pas connaître et ne pas avoir croisé.

L'élève arrive seulement au début du deuxième trimestre. Plein de soucis familiaux, de santé, de travail, de déménagement...la galère. L'élève arrive dans son nouveau lycée : une petite ville de province où les habitants sont si stables que chaque nouvel élève est un évènement dans une classe. Il est déjà trop en retard, un peu trop vieux, plein de tristesse, un peu trop de soucis à partager à cet âge. Une population qui s'avèrera accueillante mais dont le premier abord est austère comme la vie rude des peuples de ces régions de montagne. La région d'où il vient est une région qu'on n'aime dans aucun pays du monde : "ailleurs". L'élève a de nombreuses lacunes, il lui manque surtout ce premier trimestre, et la connaissance du rythme et de la manière de ce prof qu'hélas il gardera deux ans.

L'homme plutôt petit,une arrogante petite moustache lui barre le visage et lui ajoute de la dureté. Il est vétu d'une blouse blanche, impeccable, celle des chercheurs et des savants dont il n'est pas et ne sera jamais tant l'humilité lui manque que donne la vraie science. Il enseigne des sciences exactes : physique et chimie. Tout en lui respire la certitude. La certitude d'être né au bon endroit, la certitude d'avoir fait les études qu'il fallait, la certitude qu'il est bien plus savant que ses élèves...la domination d'un petit chef arrogant.

Cet élève qui arrive là comme un chien dans un jeu de quilles est une occasion trop facile de montrer sa puissance sans prendre aucun risque. Le jeu des moqueries et la complicité des faibles, les humiliations trop faciles, la nature humaine qui revient au galop avec l'abandon du perdant au profit du plus fort. Un élève trop seul. Une première année difficile. Un élève qui se tait, trop absorbé à rattrapper ce niveau qui lui manque tant. Un passage obtenu au forceps après un examen supplémentaire pour cette année de terminale C tant désirée.

Mais finalement l'élève a trouvé sa place parmi ses nouveaux camarades. Il joue au rugby, sport presque national dans ce lycée,  à une place où les talents sont plutôt rares. Peu à peu les complicités s'affirment. La gaïeté lui revient. Quelques petites répliques insolentes et parfois drôles n'arrangeront pas cette antipathie. Une vraie envie d'avoir un bon bac et le courage qui va avec. Mais on ne triomphe pas facilement d'une opposition de principe. Les critiques justifiées au début par le niveau de l'élève deviennent injustes et le bon climat entre les autres professeurs et l'élève donne à cette animosité une force supplémentaire et au professeur une aggressivité renouvelée.

Il faut dire qu'en terminale l'élève en rajoute un peu trop, qui manifestement travaille au rythme des annales et non plus des cours du professeur. Une autorité qui se débine. L'année sera dure. La guerre ne sera pas sans dommages. Une appréciation mortelle sur le dossier des prépas car le garçon veut préparer Saint Cyr. Son appréciation en physique est mortelle : "Avec de tels résultats, peut, à la rigueur, devenir militaire."

Le bac arrive. La dernière manifestation de cette haine ordinaire seront les petits "tss..tss" du professeur pendant l'épreuve de math qu' il surveille . L'élève est plutôt surpris de cette bienveillance apparente, de cette volonté de lui faire découvrir des erreurs...Il se méfie pourtant... et il a bien raison : Il s'agissait de fausses erreurs, des pièges. . Les résultats sont au rendez-vous pour l'élève. Une des rares mentions de la classe, inespérée pour lui mais tellement nécessaire.

Des envies de vengeance. de réplique cinglante mais finalement , et heureusement, il n'y aura que le silence. Il restera à l'élève de cette opposition la découverte des richesses de ces sciences si pratiques et si vérifiables qui allaient livrer encore tant de leurs mystères.

Un goût d'amertume vite effacé par l'arrivée des vacances et l'attente d'un "après" qui sera à la hauteur des rêves.

Et ce n'est qu'aujourd'hui que s'échappe cette "vengeance" littéraire.

Une histoire à l'image d'une journée de printemps sous la pluie, la pluie pourtant tant attendue, et cependant si désagréable, qui révèle les failles des toitures mais qui est promesse de récoltes.

Bonne lecture et bon dimanche.

 

 

 

 

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Commentaires
N
La honte d'avoir eu un père qui pour les uns étaient prof1 et pour les autres prof2. Qui était -il vraiment, celui qui ne vivait que pour eux et pour lequel je ne comptais pas mais qui dit être fier que je sois devenue prof de m .... (tiens je n'avais encore jamais réalisé que les deux mots ont 5 lettres !) ?
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S
Pour faire écho à "cookloubabette", dans notre cas le dialogue aurait été possible à condition d'avoir en face des personnes qui avaient envie de dialoguer! Quand un instit ne veut absolument pas entendre que les torts sont partagés et que tout le "mal" vient de l'enfant, (donc sous entendu de ses parents)et que toute intervention envenime les choses je peux vous dire que c'est très très compliqué! Ici dans notre village il n'y a que 4 classes et donc les enfants sont obligés de passer avec tous les instits (voir plusieures années) et pas d'autre école en vue aux alentours, aucune dérrogation accordé pour les autres villages et pas d'école privé à moins de 30 km. ça laisse très peu de solutions de rechange!!
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J
à Margo :Juste une petite précision : bien sûr qu'il y a de "bons" bacs. Ce sont ceux qui sont obtenus dans les conditions qui vous permettent de continuer vaillamment le parcours que vous vous êtes tracé. Il en est de mauvais ce sont les habillages "politiques" et hypocrites d'examens qui ne correspondent à rien et font croire à des enfants qu'ils ont obtenu quelque chose sans peine quand ils n'ont en main qu'un morceau de papier et l'annonce de futures désillusions.<br /> à Brizou : parfois dans l'évocation et dans l'écriture, un gros nuage vous cache le soleil et vous dit que tout n'est pas si merveilleux. Il vaut mieux le dessiner ce nuage, c'est ainsi qu'il se transforme en pluie et qu'il vient vider l'amertume. Il laisse alors la place libre pour dessiner le beau.<br /> Bonne journée
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C
Taper là où çà fait mal, humilier pour le plaisir d'exercer son pouvoir et de montrer que l'on n'est pas n'importe qui, rabaisser systématiquement: ils en font des dégâts, tous ces professeurs rencontrés, dont on se souvient encore, tellement ils ont blessé les enfants que nous étions... Où est le dialogue dans toutes ces histoires? Où sont les autres adultes? Je me pose sans cesse ces questions, chaque fois je suis confrontée à ces problèmes là...
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S
Encore une fois vous vouyez juste Mr Jacques! il est des professeurs que l'on subit. Quand on arrive en terminale on a parfois assez de tonus pour lutter...Ma fille a eu une instit qu'elle a gardé 2 ans (CE2-CM1) et qui lui a répété et répété qu'elle n'arriverait à rien, qu'elle plaignait ses parents (les pauvres!) d'avoir une fille comme elle etc...A la fin du CM1 ma fille m'a dit "j'irais jamais au collège, je serais morte avant tellement je suis nulle!" Horreur, psy et amour...Elle est encore en grande difficulté de confiance en elle aujourd'hui qu'elle a 17 ans...
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et pourquoi ne pas le dire ?
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