Pentecôte et insomnie
La petite maison dort, doucement au milieu du village lui aussi endormi. Seuls les deux clochers le républicain du beffroi et le religieux de l'église voisine, se disputent l'honneur de le rompre de temps en temps pour sonner les heures.
La journée d'hier a été fatigante mais bien douce. Un petit jardin à embellir et à entretenir. Plein de petits travaux de plaisir en attente. Un ami accueilli occupe la chambre d'"ami" et lui donne pleinement son sens. Des livres, un piano, un bon fauteuil et un doux lit.
Une soirée de printemps, presque d'été, à la douceur retrouvée après les pluies et la grêle. On a parlé tard, ensemble et par petits groupes. Echanges communs et parfois confidences. Le froid naissant les a ramené au salon et une dernière tisane a préparé leur sommeil. On a attendu le dernier moment pour fermer les volets et destiner la maison à la nuit et au sommeil.
Tout en haut sous les toits la maitresse de maison dort entourée de livres et lui l'a quittée pour ne pas troubler son sommeil. Il aime ce vieux mot de "maitresse de maison" et sa maitresse à lui est la maitresse de sa maison : il trouve que l'idée est douce.
Dans la petite chambre en face, un étudiant a reçu hier les résultats de ses écrits de concours, il a obtenu l'admissibilité tant attendue, reste l'étape de l'oral : sommeil entre angoisse de la fin des concours et attente d'un bon résultat. Dans sa tête les rêves d'avenir doivent commencer à faire leur chemin.
En dessous une petite fille rêve de canards, d'escargots, de promenades, de piscine et peut-être de "petit ours brun qui fait des farces". Au dessus d'elle veille attendri, le petit ange qu'elle a invoqué lors de sa prière du soir. "Bonsoir mon bon ange....C'est à vous que je me recommande..", une prière de tous les temps de la famille, que sa maman déjà récitait, et sa "grand-ma" aussi. L'ami, présent, mais malade, lui a appris qu'on pouvait aussi la chanter et a doucement entonné un air ancien. Un air transmis comme une confidence.
Dans une autre chambre, sa maman et dans la chambre voisine un petit bébé tout neuf, tout doux, une autre petite fille, dort aussi. Le Papa est loin, en Amérique. Il construit un tunnel. On le rejoindra dans quelques jours et on savoure en famille la douceur d'un dernier séjour prolongé. Demain, lundi, un autre (grand) garçon et une autre (grande) fille rejoindront la maison de leur enfance pour y fêter en "urgence" toutes les fêtes et tous les anniversaires qu'on ne pourra pas souhaiter ensemble dans quelques semaines car on sera à nouveau éparpillés.
Lui, a une dent qui l'a réveillé. Douleur de la dent. Bonheur de l'insomnie. Lecture de messages, de blogs, douceur des échanges, des autres, ces autres hommes et ces autres femmes que le Bon Dieu lui a donné pour que la vie soit plus douce et ait d'autres couleurs que la grisaille de l'actualité ou parfois la dureté de la vie.
On se réveillera pour fêter cette magnifique fête où les hommes se comprirent les uns les autres au-delà de leurs langages.
Le médicament fait son effet. La douleur s'apaise. Il va remonter et transformer en rêves doux et sommeil profond ses rêveries éveillées. Le village est toujours silencieux. Une nouvelle heure vient de sonner aux clochers.
Il pense avec douceur à tous ceux qui liront ce petit message et espère leur avoir un peu transmis un peu de la douceur de son insomnie.
Bon dimanche.