Un dimanche matin d'été.
Un vrai dimanche matin d'été, de Provence. Une de ces nuits qui commencent à être vraiment chaude. Les gens recherchent les piscines ou, mieux, la fraîcheur des murs épais des vieilles maisons. Jacques s'est couché tard après une douce soirée de retrouvailles familiales. En rentrant, il a vu sur la place du village les employés municipaux ranger les restes du feu de la saint Jean et de la fête qui le suit . Quelques petits devenus grands sont capables enfin de sauter ce feu sans peur. Quelques anciens ont du s'y essayer une dernière fois...pour voir. Et un orchestre aura fait danser les villageois présents et les premiers touristes. Les écoles sont fermées. Les bacs sont passés. Les plus âgés sont peut-être encore entre écrits et oraux comme un grand garçon dans une chambre de la maison.
Jacques s'est levé tôt. Le soleil était si haut qu'il croyait l'heure plus avancée et quand il a réalisé sa méprise il était trop tard pour se rendormir. Dimanche matin : l'achat rituel des croissants. Déception les jours où ils manquent. Un Frère et une belle-soeur sont les hôtes de la maison. Ils vivent top loin. On jouit du bonheur de leur présence qui de toute façon sera trop courte. Jacques part vers la boulangerie, croise quelques très rares passants, les habituels matinaux à l'affût du journal et de l'ouverture du second magasin ouvert, la maison de la presse.
Sur le quai de la rivière qui traverse le village et lui donne toujours un air de vacances, un jeune couple. Moins de quarante ans à eux deux. Assis côte à côte. L'air à la fois heureux et émus. Il est pourtant vêtu avec une rare inélégance : un vilain maillot de footballeur, un short brillant et des sandales de piscine. Elle est mignonne comme le sont les jeunes filles de ces âges. La chaleur donne aux provençaux la chance de voir la plupart des femmes vêtues de charmantes petites robes et débarssées de leurs affreux carcans d'hiver. Un petit couple de santons. Vincent et Mireille. Les amoureux. Ils ont l'air comblés par une nuit finissante qui aura révélé quelques secrets de leurs corps. Peut-être une première nuit. Pourquoi pas ? Ils entrent dans une vie pleine de promesses. Ils sont seuls au monde.Ils portent sur leurs visages la marque du bonheur.
Jacques se reproche de s'être laissé aller à une divagation un peu indiscrète, rappelle son chien parti en éclaireur et termine sa "mission croissants". Heureux, comme s'il était complice de ce bonheur naissant et rajeuni par ce doux sentiment.
Un petit moment de douceur, de complicité et de bonheur à partager avec ses amis.