La grève des anges gardiens
Il y a grande agitation au paradis : les anges gardiens ont décidé de se mettre en grève. Ils en avaient assez qu'on ne s'intéresse pas à eux, que l'on rie de leurs avertissements et qu'on se moque de leur mises en gardes. Ils se sont donc réunis en assemblée plénière ou générale ou extraordinaire (ils connaissent très mal le vocabulaire de la grève), puis ils ont respectueusement demandé au Bon Dieu son autorisation (on a beau se révolter, on garde le sens de l'ordre des choses). Ils l'ont obtenu et c'est donc d'un coeur léger qu'ils se sont mis en grève. La grève durerait une semaine du lundi matin au dimanche soir. Ils continueraient d'intervenir pour les affaires graves, pour éviter les accidents majeurs...mais ils laisseraient filer les petits troubles de la vie quotidienne. Les coups de blues, les petites choses qui s'enclenchent mal, les gaffes, les impôts, les autres (surtout les autres, le plus gros facteur de souci sur cette bonne vieille terre). Et on verrait alors à quel point ils seraient utiles.
Ils se rassemblèrent dans un coin du ciel et lorsqu'un d'eux partait pour récupérer une situation difficile, les autres l'empêchaient d'y aller. C'était très difficile pour eux, tant ils étaient bons et voués au bien. Mais la masse aidant, ils y parvinrent.
Inutile de vous dire la pagaille que ce fut sur terre. Les rendez-vous manqués, les gaffes laissées à elles mêmes, les incidents, les oublis, les réveils retardés, les disputes consommées, les amoureux attristés. La vie tout à coup semblait très lourde aux hommes. Ils avaient beau déployer des trésors d'ingéniosité et d'intelligence pour trouver la cause de ces dysfonctionnements, ils n'y parvenaient pas. En effet les anges gardiens agissent même quand on les oublie, ce qui fait que la plupart des hommes les avaient oubliés.
Heureusement, il restait au fin fond de la Bretagne un vieux recteur solitaire oublié des hommes et qui se demandait parfois s'il n'était pas aussi oublié du Bon Dieu. Il vit rapidement revenir à lui des hommes affolés cherchant même auprès de lui où pouvait être le problème et quelle serait la solution.
Il se rappela des enseignements qu'ils prodiguait lorsqu'il avait encore un auditoire. Il se rappela qu'il sentait lui-même souvent auprès de lui ce même souffle léger ...et ce, depuis sa plus tendre enfance. Il se souvint de son Ange gardien. Il l'expliqua à un, puis à un autre qui l'expliqua lui-même à un troisième et en moins de temps qu'il n'en fallut pour que la grève se termine chacun avait repris conscience de l'absence de son petit ami aérien et ailé.
Les hommes s'affolèrent, implorèrent, prièrent, demandèrent. Il ne se passa rien. Heureusement la grève n'était pas illimitée et lorsque vint son échéance tout rentra dans l'ordre.
Pendant un temps les hommes furent attentifs à leur ami, puis la nature humaine repris le dessus, certains très vite les oublièrent mais quelques uns fort heureusement se souvinrent de cette leçon et à leur tour eurent à coeur de les maintenir dans la mémoire collective. Le recteur put tranquillement regagner l'endroit qui l'attendait depuis longtemps.
Un autre jeune recteur s'était mis en place qui serait peut-être un jour appelé à jouer ce même rôle.
Alors mes amis, si la semaine dernière vous a semblé néfaste, ne cherchez pas. C'était au Ciel la grève des anges gardiens. Rassurez-vous c'est terminé. A nouveau, dans la nuit, dans le silence, vous sentirez parfois son souffle, son mouvement...et si votre coeur est vraiment pur, peut-être même le verrez vous.
Je vos souhaite une très bonne semaine.
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