Heure d'hiver
L'automne s'était maintenant bien installé. En quelques jours de vent et de froidure. Avec lui ce doux et étrange sentiment un peu mélancolique qui s'empare des êtres. Parfois insupportable mais le plus souvent teinté d'une certaine douceur, d'une vraie tendresse et de l'envie irréstistible de se rapprocher les uns des autres pour sentir la vie, pour sentir la chaleur, pour lutter contre ce temps devenu hostile. Les jours seront plus courts. Les soirs seront plus longs. Les feux accapareront nos regards et nous enchanteront de leurs belles couleurs.
L'homme aimait plus l'heure d'hiver que l'heure d'été. Elle lui semblait moins tricher avec le soleil mais à vrai dire cela changeait assez peu sa vie. Il avait cessé depuis longtemps de courir après le temps, de surveiller sans cesse sa montre comme si tout dépendait d'elle. Il n'aimait pas qu'on appelle cette heure "heure d'hiver" alors qu'elle vient avec l'automne. Il aimait trop les mots pour se complaire dans de telles approximations.
Mais il aimait cet étange sentiment d'engourdissement qui s'empare des esprits et des corps qui semblent utiliser toutes leurs forces pour maintenir un semblant de confort face à ce temps devenu hostile. Et cette place laissée toute ouverte à l'imagination, aux projets, aux souvenirs aussi. Devant le feu on raconte, on imagine, on fait des rêves. On se réchauffe au bruit des mots et des souvenirs.
Et puis on retrouvait plus de place pour les livres, plus de place pour l'écriture. On se levera et on partira travailler en ayant accumulé l'énergie qui semble indispensable en ces moments. On reviendra content d'avoir "vaincu" le froid, le vent, la nuit. On laisse un peu le reste du monde entre parenthèses. On ne sort plus au jardin que pendant les quelques heures de plein soleil. On prépare déjà la maison à l'été. On imagine de nouveaux bonheurs et on accumule les matériaux pour les rendre possible.
Et en toile de fond de ces pensées s'agitent les ombres impalpables des autres, de ceux qu'on aime. Les contours des visages sont parfois un peu flous. Le temps ne compte plus. L'espace non plus. Vivants ou morts, proches ou lointains ils ont leurs places et ceux dont on ne connait pas le visage, ceux dont on connait seuls les écrits, parfois la voix, se dessinent eux-mêmes au gré du temps et des envies et prennent leur place dans ce doux monde de l'imagination.
Ecrire ces quelques lignes, avoir encore le temps de prendre un livre, se préparer ensuite pour une belle et froide journée et pour belle semaine qui sera le temps des vacances pour beaucoup de ceux qu'on aime...et c'est tant mieux.
Bonne et douce semaine à vous qui lirez ces lignes...et bonne journée.