Mots d'ailleurs
Il n'etait pas dans sa maison. Il n'etait pas non plus sur son ordinateur habituel. Il avait d'abord tente d'utiliser des artifices pour recuperer les accents qui lui manquaient. finalement il avait renonce : trop complique et surtout imparfait. Il s'etait dit qu'il fallait sans doute s'adapter et accepter ces differences. Il comptait aussi sur l'indulgence de ses lecteurs. Et la, il ne se trompait jamais.
Decidemment ce pays lui plaisait beaucoup et surtout cette ville presque plus latine qu'americaine. Une vegetation luxuriante, des animaux omnipresents, des paysages de reve, la mer... et les bonheurs familiaux qui se succedaient les uns aux autres. Un rythme de sommeil un peu decale qui laisse finalement a l'insomnie toute la place necessaire au reve.
Il s'etait mis sur la grande table. Il taquinait ses amis les mots. "Vous avez l'air malins, leur disait-il, dans ce pays, sortis du petit cercle de l'intimite familiale vous ne servez pas a grand chose."
"Faux ! lui repondirent-ils, plutot de mauvaise humeur. Que ferais-tu sans nous pour remplir ces quelques lignes ? Et puis... nous voulons aussi te presenter quelques amis."
On vit alors arriver une ribambelle de mots curieux aux accents et aux couleurs etranges. Des mots espagnols et des mots anglais. Par souci de simplification, ils s'etaient presentes en groupes. D'un cote un groupe plutot bruyant, tres colore, tres anime. C'etait les mots espagnols. Ils lui etaient familiers. Souvent il leur trouvait des ressemblances avec ses propres mots. Peut-etre un peu plus de "a" pour les terminer. Ils lui rappelaient aussi ce latin d'ecole qu'il avait tant aime mais que ses etudes trop scientifiques lui avaient fait quitter trop tot. Un autre groupe, plus serieux, plus severe meme : les mots anglais. Ils s'etaient separes en deux groupes ; les mots d'origine latine, moins nombreux mais plus familiers et les mots du nord, qu'il connaissait moins bien et qu'il avait toujours eu un peu de mal a assimiler. Il arrivait assez bien a les lire et a les ecrire mais ils le surprenaient toujours lorsque tout a coup ils arrivaient par surprise a ses oreilles. Puis il y a avait un magma, pas vraiment un groupe, des mots nouveaux qui n'existent plus que dans une seule langue, des mots universels mais qu'il n'aimait pas trop ; il aimait trop les differences. Dans un coin, ceux qu'il aimait le moins : les faux-amis qui semblaient avoir un sens connu et qui de fait signifiaient toute autre chose.
Puis les mots francais, ses amis habituels, proposerent aux aux autre un etrange exercice : a sa demande lorsque le mot francais lui viendrait a l'esprit les deux autres arriveraient ensemble et ainsi il choisirait en fonction de son interlocuteur celui dont il aurait besoin. Ils defilerent ainsi toute la nuit, se posant sur tous les objets environnants pour qu'il s'habitue. Il finit par s'endormir en voyant defiler cette etrange ronde. Il oublia meme cette etonnante ceremonie initiatique et il replongea dans les reves de Noel et la feerie qui les entoure.
Demain, un autre jour. Un petit tour blogesque chez ses amis du vieux continent a qui il souhaite une tres bonne journee.