1 septembre 2012
Variations jacquaires (2) : le chemin
Mon cher Hercule-Savinien,
Tu me reproches dans ta dernière lettre de ne pas m'être arrêté chez toi sur la route de l'Espagne et de Saint Jacques. Tu sais bien que ce n'était pas possible. J'ai trop de plaisir à m'arrêter chez toi mais tu sais bien ce qui se passe dans ces cas-là. Nous ripaillons. Nous parlons tard. Nous écumons les tavernes et les pires endroits avec tes amis. Nous dépensons des fortunes. Nous créons des bagarres et nous dedommageons largement les victimes. Nous buvons. Nous refaisons le monde. Comment voulais-tu glisser un tel programme sur la route d'un pèlerinage ?
Pourtant j'aime ces régions que tu hantes. J'ai un peu traîné en route dans le Lauragais en cherchant une messe. J'eus du mal à la trouver et je me demandais même si ce n'était pas la de vieilles traces cathares lorsque j'arrivai dans un joli village : Castanet-Tolosan. Une église assez curieuse, une assistance nombreuse et recueillie. Bref ! Un bon moment.
J'ai aimé ces clocher- peignes , ces belles demeures, ces pigeonniers. Une région que je chercherai à mieux connaître. Lorsque je traversai le Béarn, bien sur que je pensais à toi et aux tiens.
J'aime traverser la France, même rapidement. Tous ces noms de l'histoire qui sonnent à mes oreilles, me font défiler des pages de manuels, des lieux, des tableaux à la vitesse du rêve.
Je voulais, te dis-je, me mettre dans l'esprit du chemin que je ne connais pas. Tout ce que je croyais à son propos m'est d'ailleurs apparu largement insuffisant. Il me semble que la seule façon de le connaître, c'est de chausser ses souliers et de prendre un bâton. Curieux ces hommes qui cheminent ensemble, si différents pourtant. Curieux ce mélange de retenue et de promiscuité. Ce partage qui ne dit pas son nom. Cette entraide muette. Curieux cet inconfort partagé sans bruit en ce monde de droits et de récriminations. Ce sac même, uniforme. Ces auberges et ces foyers qui ne vous rançonnent pas. Une certaine froideur mais un grand respect. Curieux ces "bueno camino" qui sonnent. Curieuse cette absence d'appréhension dans un pays pourtant mal connu. Curieux cet attrait qui grandit, cet appel qui est peut-être en train de naître. Et puis ce côtoiement de classes, de pays, d'âges.
Depuis mon retour de cette parenthèse je me renseigne. Je cherche pourquoi tant de gens ont fait cette démarche. Ce saint Jacques, pourquoi l'honore t-on ainsi ? Pourquoi cette route si ancienne pour run pèlerinage qui ne promet pas de miracle, mais juste un chemin ?
Un chemin vers Dieu mais surtout un chemin en soi. Pourquoi en ce moment si païen, en ce monde de matière, ce choix de l'esprit et de l'âme ?
Mais rassure-toi, je n'ai pas vraiment changé et ce qui me rassure c'est de voir ceux qui ont fait ce parcours, si justement ancrés dans le réel. Ils continuent à vivre avec peut-être même encore plus d'intensité.
J'ai donc hâte de te retrouver, toi, les tiens, tes inventions, tes rêves. Pour ma part j'ai vite retrouvé le monde. Je suis revenu avec une mauvaise toux et resté muet une semaine. J'ai retrouvé le travail et ses joies....les courbatures et les fatigues aussi. Je remets toujours en forme de belles demeures avec joie, ce qui est un bon remède à la fatigue. J'ai décidé en revenant d'écrire davantage, de me mettre à rédiger à partir de vieilles photos de familles que je traîne à ranger.
Le mistral souffle sur notre belle Provence. Il a fait naître dans ma tête de mystérieux récits qu'il me tarde de rédiger.
J'ai retrouvé mes amis de la vraie vie, et mes amis des blogs. Je me remets en route.
En attendant, vieux brigand, je t'embrasse et t'invite si tu n'as pas encore complètement ruine ta famille à venir passer quelques jours chez moi.
Ton fidèle cousin,
Jacques
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