Calendrier de l'Avent (5) : survol des lieux.
L'homme était installé dans son char tiré par des oies et porté par les vapeurs de l'air qu'il maîtrisait par on ne sait quel artifice. Il était là à toute les pages de l'histoire. Il était l'histoire. Il portait certaines valeurs des hommes qui n'étaient d'aucune époque : le courage, le brio, la faconde, la recherche de la vérité. L'histoire n'avait que peu retenu son nom et s'il n'y avait eu cet homme du nom de Rostand pour parler de lui au 20éme siècle, chacun l'aurait oublié. Au moment de la naissance de l'enfant et de la renaissance du monde, il ne s'appelait pas encore Cyrano mais il voyageait déjà au-dessus du temps et au dessus des paysages.
Durant ces jours qui précédèrent ce jour merveilleux, il se promena beaucoup. Il percevait comme les Rois Mages qu'il allait se passer quelque chose. comme eux, il avait lu dans le ciel que viendrait ce prodige. Comme eux, il parcourait le monde en l'attendant.
Il surveillait particulièrement ce lieu entre les Alpilles, le Ventoux, les Dentelles. Il le parcourait en tous sens. Il avait vu l'agitation étonnante en hiver autour de cette ferme, au loin de ce petit village. Il avait vu le chemin qui se dégageait, la pièce qui se vidait, la paille qui était étendue sur le sol et qui remplissait la mangeoire. Il avait vu l'étrange agitation des animaux. Il voyait les troupeaux qui se rapprochaient de l'endroit sans que l'on sache pourquoi. Dans les Paty, les terrains de vaines pâtures, là où l'herbe gratuite est l'herbe des pauvres et qui s'étend encore en beaucoup d'endroits, les moutons semblaient toujours vouloir chercher l'herbe plus loin. Les bergers étonnés se demandaient pourquoi et croyaient qu'il y avait dans l'herbe qu'ils délaissaient pour la nouvelle : Quelque espèce qui les repoussaient ? Eux aussi sentaient dans l'air cet étrange mystère : ils ignoraient encore qu'ils seraient les premiers appelés.
Du haut de son char, l'homme surveillait, analysait. Il allait voir plus loin. Il remonta au nord du Ventoux. Les provençaux disent pourtant que ce n'est plus la Provence mais il savait bien que c'est une galéjade et que la Provence est là quand il y a le soleil, quand il y a le Mistral. Il s'écartait aussi vers le Languedoc ou vers les Alpes mais il revenait toujours à cet endroit. Il regardait les maisons. Là, il voyait des familles réunies autour de la chaleur des feux, le soir. Qui dira que l'hiver n'est pas dur dans ce beau pays ? Celui qui ne le connaît pas. Il voyait les êtres qui vivaient leur vies, ceux qui se demandaient comment ils allaient la vivre. Ceux qui savaient. Ceux qui attendaient. Il voyait les champs au repos pour l'hiver, fraîchement labourés. Il voyait les vignes qu'on taillait pour les préparer à la prochaine récolte.
La vie dans le campagnes était au ralenti. Dans les villes c'était différents. Seuls ceux qui aimaient à se promener dans les grandes rues savaient y retrouver des airs de campagne, voir les oiseaux et les autres animaux nicher dans les arbres. Animaux de vérité et animaux de rêve. Dans une ville, un peu plus au nord que l'endroit, où la scène se passe. Dans un grand cyprès, il aperçut même un signe, petit et vert. On lui dira que ça n'existe pas...et pourtant il le voyait entouré de tourterelles et de mésanges attendant dans l'impatience, que la main des hommes, la Providence de l'hiver les nourrisse.
L'animation des artisans, des paysans, des pécheurs, de tous les métiers de la crèche semblait se dérouler comme à l'ordinaire. Chacun d'eux ignorait en fait qu'il se préparait au grand jour, à la rencontre.
Chaque nuit et souvent même le jour il survolait cet espace. Il lui savait qu'un jour on lui demanderait de raconter, d'être le témoin. Il redescendait de temps en temps pour prendre un peu de sommeil et c'est dans ces rêves qu'il voyait les nouveaux endroits qu'il allait découvrir.
Amis lecteurs, qui venez sur ce blog, merci de pardonner à l'auteur son envie de l'instant d'écrire un peu plus souvent et de prendre ainsi sur votre temps précieux. Car ce blog est austère. Pas une photo, pas un son, juste des mots écrits, relus trop vite, parfois même des coquilles. Et vous, précieux, vous êtes là, qui me laissez parfois des mots auxquels je ne veux pas répondre de peur que le peu de temps que j'ai pour écrire ne soit donné qu'au plaisir d'échanger avec vous.
Merci de votre fidélité. Merci de votre patience. Cet écrit est le 153ème de mon blog. Pour des raisons qui me sont chères, j'aime particulièrement ce nombre. Rassurez-vous, il n'y a là ni superstition, ni annonce de fin du monde. Juste un nombre tant vanté par mon père qu'il est devenu pour moi comme un ami. Un jour j'écrirai peut-être pourquoi.
Et comme il m'arrive quelquefois de le faire, j'embrasse les dames (que je crois les plus nombreuses) et je serre aux hommes une virile poignée de main. Et à chacun de vous je souhaite une très bonne journée.