Des mots et des petites souris
Et il était reparti travailler quelques jours chez son fils. Quelques jours avant un grand départ vers des pays lointains. Quelques jours pour un départ sur un grand bateau. La fin de la fin du cycle de formation. Il était revenu. Il dormait dans un grand salon blanc ouvert sur la grande ville qui renvoyait par une fenêtre les lumières des phares et quelques bruits aussi. Des bruits qu'il n'a plus coutume d'entendre, des bruits de ville. En remontant de la ville hier, il a retrouvé la dame qui dort dans la rue, sur son banc, sous son pont parlant à ses amis. La dure réalité de la pauvreté visible, celle qu'il ne voit pas dans son village au pied du Ventoux.
Mais ce n'est pas de ça qu'il voulait parler ce matin. Il s'était réveillé. Il s'était approché d'un ordinateur qui n'était pas le sien...mais qu'il connaissait bien. Il s'était assis dans un grand fauteuil. Il avait calé un coussin sur ses genoux, posé le clavier dessus. Son regard était tourné vers l'écran . Il avait un peu de temps avant de se mettre au travail. Il n'était pas sur sa table, à côté de sa cheminée, mais il était bien. La situation où les mots reviennent.
Il n'avait pas fallu beaucoup de temps pour qu'ils se présentent à lui. A côté de l'écran et posés sur les différents meubles, toujours aussi joyeux et agités. Parmi eux quelques uns avaient triste figure. Il distingue parmi eux, les "imprimerie", "ange"," habits" et des petits mots de liaison. "Que se passe-t-il ? leur demanda-t-il. D"où venez-vous ?"
"On nous avait accroché au fronton d'un grand mur et puis tout à coup un ouragan, un renouveau. on a senti du vent et on s'est retrouvés à terre. On a eu peur et on est vite retourné chez toi. On n'a pas bien compris. Mais on a senti que c'était nécessaire pour que la paix revienne à l'endroit où nous étions."
L'homme était intrigué et trouvait la chose surprenante. Il prit chacun des mots dans ses bras, les caressa, les remit à leur place et les consolât.
C'est à ce moment là qu'il entendit une petite voix. C'était celle de son amie la petite souris. Une voix étouffée qui semblait venir du fond de son grand sac, celui qui contenait ses vêtements de travail. Il ouvrit.
"Ouf je n'en pouvait plus. lui dit-elle."
" Mais que diable fais-tu là ?"
"Je te sentais, ces derniers temps, morose. J'ai traversé des terres et des routes et puis des terres encore. Je t'ai suivi discrètement dans tes derniers endroits de travail. Je te soufflai, lorsque ton moral était au plus bas, doucement le nom de tes petites princesses pour faire revenir un sourire sur tes lèvres, de la chaleur sur tes mains. Je restais discrète, et tu sais bien comme c'est difficile pour moi. Je maudissais cette loi qui te prenait de l'énergie et qui ajoutait à ta fatigue. Il m'arrivait aussi de solliciter un rayon de soleil pour qu'il te fasse du bien. J'étais là, l'amie fidèle."
"C'était donc ça. Ces petites pauses, ces moments de douceurs qui redonnaient l'envie. Moi qui croyais qu'elles n'étaient que le fruit de ma volonté, des mes efforts, de mes besoins. Je suis content de savoir qu'elles provenaient d'un être, d'une âme. Mais parle-moi encore d'elle."
" Dans quelques heures. lorsque tu déjeuneras. Leur papa sera déjà parti au travail dans la maison silencieuse. La nuit de leur maman aura été agitée : beaucoup de mouvements dans ce ventre. Des bras, des jambes qui s'agitent. Un petit être qui s'impatiente et qui veut venir à la vie. Çà ne les empêchera pas de venir dans la chambre, les cheveux en bataille, invoquant je ne sais quel prétexte. Puis de se mettre au chaud dans le grand lit en attendant le départ pour la crèche et pour l'école. Elle se blottiront à côté de leur maman et de ce petit être en préparation qui les intrigue fort. Et ce sera l'heure de se lever, du petit déjeuner, des vêtements qu'on choisit, des petites choses qu'on rajoute dans le cartable, des barettes qui tentent de domestiquer de jolies boucles blondes. Tu les vois ? Regarde la petite lumière dans leurs yeux. Elle est un peu pour toi."
L'homme se sentait bien. Tout reprenait un sens. Il relut ses messages. Prit du temps. Fit remonter dans sa mémoire les osuveinrs de ce dernier week-end. Du repos, des amis, des histoires qu'on raconte où qu'on écrit. Trois soirs. trois dîners. Trois maisons différentes. Le vendredi et le petit topo qu'il avait préparé. L'auditoire d'amis. La prière commune. Le repas partagé. Les rires, les questions, les nouvelles qu'on échange. Un samedi au travail et le soir le dîner chez cette autre amie qu'on voit trop peu souvent et qui nous manque. Le Dimanche paisible, le soir qui aurait pu être de blues si on n'avait pas retrouvé ces amis de toujours chez qui on partage, sans enfants le souvenirs des dimanches soir d'"antan" (enfin, ce n'est pas si loin que ça) où on se retrouvait déjà avant la semaine de travail pour faire fuir au loin la noirceur de ce temps qui se termine, ces souvenirs de pensionnats.
....
Mais déjà le temps était venu pour lui, à son tour, de se préparer. Vite un échange de messages avec celle qui est restée au loin. Et on part. On finira demain l'histoire.
On salue ses amis On leur souhaite une bonne journée et on leur tire une dernière révérence avant de mettre en route la "machine humaine" pour sa journée de travail. Bon courage, mes amis!