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et pourquoi ne pas le dire ?
10 mars 2013

Etranges choses

"Mais quelles sont donc ces étranges choses ?" se demandait le petit bébé qui voyait par dessus l'épaule de sa maman l'écran de son ordinateur. De l'autre côté de la mer, l'image s'était dissipée. Il entendait des voix qui déjà lui étaient chères. Une voix aiguë, une autre plus grave mais pas tant que ça. Il reconnaissait chez lui la voix de son papa, de sa maman et celle de ses soeurs. C'était un moment de paix, elles étaient parties à l'école. Il adorait les retrouver mais il avait bien du mal à trouver alors un peu de paix entre leurs baisers, leurs caresses, leurs jeux dont il faisait déjà partie.

C'était le calme en ce moment. il entendait la voix de sa maman qu'il connaissait depuis bien longtemps, depuis le toujours de sa toute neuve existence. Puis les voix qui venaient de l'étrange appareil. Il commençait à les connaître. Ce qu'il ignorait encore c'est que dans quelques jours, presque dans quelques heures, il pourrait les associer à des goûts de peau, à des odeurs, à des chaleurs...et ce serait encore mieux.

De l'autre côté de l'image qui parlait, la vue montrait deux étranges choses, deux masses de chair aux allures de gros crabes ou de grosses araignées. Elles semblaient indépendantes mais on leur devinait une étranges symétrie. Celle de gauche s'agitait un peu plus vite que celle de droite mais elles semblaient amies. Pareilles et différentes, un peu comme ses deux soeurs. L'une plus vive, l'autre plus attentive. L'une qui semblait dicter le chemin à suivre et l'autre qui pour l'instant s'y tenait mais qui prenait de temps en temps des envies d'indépendance.

C'était, il faut le dire, les mains d'un homme. Elles s'agitaient sur le clavier d'un ordinateur pour rédiger un texte. Deux grosses mains qui semblaient plus faites pour manier la hache ou la masse que pour ce travail un peu délicat de l'écriture. L'homme regardait l'image du petit bébé qui semblait s'interroger sur ces étranges choses.

"Ne t'inquiète pas, petit homme. " Lui dit-il en lui souriant. "Ce ne sont que mes mains. Elles te font un peu peur. Ce que tu vois dessus ce sont les milles cicatrices de l'homme qui s'en sert toute la journée. Ce sont les petites blessures, les restes des morceaux de lui même qu'il laisse accrochés aux murs des maisons qu'il refait. Souvent la main se blesse, s'ouvre, laisse parfois voir de la chair ou du sang. Très vite aussi elle se referme et la cicatrice se fait ou disparaît ...ou laisse une infime trace.

"Mais rassure-toi. Une main c'est aussi l'endroit où comme tes grandes soeurs tu pourras mettre la tienne. Tu auras l'impression qu'elle va t'absorber tout entier. Tu trouveras pendant un petit instant que la pression est trop forte. Juste le temps que la grosse main et la petite main qui est la tienne trouvent la bonne mesure entre le lien qui ne doit pas se rompre et la douceur nécessaire que ne faire que sentir la chaleur et la douceur de l'autre. Ce lien tu en auras besoin quelque temps pour ne pas t'échapper sur la route ou pour ne pas tomber dans la rivière lorsqu'on ira nourrir les canards. Puis, dans un peu de temps, juste le temps nécessaire tu t'en affranchiras. Ce lien c'est toi qui le donnera alors en me prenant la main, le meilleur moyen encore pour un petit enfant de dire à son grand père à quel point il l'aime. Et puis plus tard, beaucoup plus tard, j'espère, c'est ta main qui sera forte et la mienne qui se fera faible. Alors c'est toi qui m'évitera les embûches du chemin, les erreurs de ma maladresse.

Cette main tu le verras parfois sera sévère (mais rarement !) pour te garder dans le droit chemin. Le plus souvent elle sera caressante. Je t'apprendrai aussi à mon tour à te servir des tiennes pour y glisser le brin d'herbe qui te permettra de souffler et d'imiter la chouette. Je t'apprendrai les outils de l'atelier, la scie, le tournevis, le ciseau et les outils plus modernes, plus rapides et plus dangereux. Je tiendrai aussi ta main pour dessiner les premiers traits, les premiers mots, les premières lignes.

Tu apprendras lorsque viendra ton tour que cette main solide que tu auras ainsi façonnée saura se faire douce pour apprivoiser celle que tu auras choisi, pour te faire assez doux pour apprivoiser aussi son corps. Tu découvriras alors que les mains des femmes que tu auras connues depuis l'enfance sont aussi les sources de bien des douceurs. Un jour dans ta main devenue forte c'est une main plus petite et plus douce qui se glissera à l'intérieur pour longtemps, peut-être pour toujours.

Encore plus tard à votre tour, entre ta main forte et la sienne douce, viendra se glisser pour faire ses premiers pas, un enfançon comme toi.

Je pourrais te parler des heures de ces mains, petit homme, petit fils, petit frère. Mais je préfère savoir que dans très peu de temps, d'un temps qui me semble encore très long, tu les verras en vrai, tu apprendras à la connaître.

En attendant je t'embrasse à distance et mes mains vont cesser leur étranges manèges pour aller se préparer pour un dimanche qui sera bon...parce que c'est dimanche.

 

Merci chers lecteurs, pour vos gentils mots et vos douces attentions, en des moments un peu trop graves.

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Commentaires
M
Un cadeau d'hier à demain ,Rien qu'un instant d'innocence ,Un geste de reconnaissance,Quand on ouvre comme un écrin,Quand on ouvre nos mains...<br /> <br /> Je vous souhaite de pouvoir caresser très vite le main du petit ange qui vous attends de l'autre coté de l'écran .Bonne soirée Jacques :-)
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B
De belles mains qui connaissent la matière, les outils. De bien beaux mots pour dirent l'émotion, l'affection à ce petit être nouveau... beau voyage Monsieur Jacques, vous allez retrouver vos princesses....
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A
De passage, je vous embrasse cher Jacques... Je sens votre émotion à travers votre texte toujours beau. Douce soirée
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P
Le coeur d'un homme passe aussi par ses mains... bienvenue au petit boud'homme du bout du monde ! A très vite sa main dans la votre !
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C
Mes mains<br /> <br /> Dessinent dans le soir<br /> <br /> La forme d´un espoir<br /> <br /> Mes mains<br /> <br /> Se tendent en prière<br /> <br /> Vers ton ombre légère<br /> <br /> Disparue dans la nuit<br /> <br /> <br /> <br /> Très belle chanson de Gilbert Becaud a laquelle votre texte m'a fait penser.<br /> <br /> Beaucoup d'émotion.
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