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et pourquoi ne pas le dire ?
20 avril 2013

Le petit homme en rose : l'espoir (1)

Il était tard. Il attendait sur un banc devant la gare. Il avait raté le dernier train. Il revenait de Paris, d'un entretien pour une éventuelle place. Un ami d'ami qui l'avait gentiment reçu, qui avait pris du temps, qui l'avait écouté. Il savait qu'il ferait son possible. Il savait aussi la probabilité très faible à son âge de retrouver un "vrai" emploi. Il le savait, mais ce n'est pas ça qui allait le rendre triste. Après l'entretien il était parti flâner dans Paris. Il avait pris le temps. Il avait retrouvé des marques, des souvenirs...et il avait raté le dernier train.

Un peu confus, il avait téléphoné à sa femme. Elle lui avait répondu  :"Mais mon amour, est-ce qu'un jour tu cesseras de planer ?". Il avait senti un peu de déception dans sa voie, puis il s'était souvenu du sourire qui accompagnait toujours ce genre de remarque. Il n'avait pas reservé d'hotel. Il n'avait pas envie de dépenser de l'argent pour quelques heures perdues. Il décida qu'il profiterait de sa soirée pour se balader dans Paris. Il savait que sur Paris on se bougeait beaucoup pour combattre cette loi. Mais il était un peu déboussolé. Il revenait de vacances. Il avait changé d'heures, de continent. Il avait vécu trois semaines sous le charme de deux petites princesses et d'un petit chevalier. Il avait fait le plein de souvenirs, d'attendrissements, de joies. Il avait vu ces jeunes familles qui traversaient le monde pour travailler un peu loin de ces pesanteurs qui minaient le vieux continent.

Il avait marché pendant des heures. Il aimait la ville endormie. A une sortie de métro un attroupement, des cris, des cars de CRS. Il se souvient : c'était ce soir que les parisiens s'étaient donné rendez-vous. Un groupe de jeunes gens et de jeunes filles sortent poursuivis par des CRS plutôt mal à l'aise de donner de la force contre de si jeunes gens. Puis les CRS s'arrêtent. Les jeunes gens s'égaillent par petits groupes joyeux. Il aperçoit dans un groupe un neveu et une nièces tout surpris de le trouver-là. La première est une jolie fille de vingt-ans : Elle s'appelle Marie-Astrid. Elle porte sur le visage des traces de coups et des pansements qui ne l'empêchent pas de rester jolie. Elle étudie la philo. C'est une bonne élève. Le second s'appelle Augustin, un grand garçon à lunettes, une sorte de grand Duduche, une barbe de quelques jours, un bon sourire. Il voulait faire sciences-po, puis il s'est trouvé une vocation de prof. Ils s'arrêtent. "Qu'est ce que vous faites-là, Oncle Jacques ? Vous étiez donc à la manif ?". "Non répond l'homme qui raconte les raisons de sa présence. " "Puis la conversation continue entre cet homme, pour eux d'un autre âge, et ces jeunes gens." Le temps passe. il écoute les commentaires qui rebondissent dans tous les sens. Ils parlent de leurs volonté de continuer, de leurs rassemblement silencieux, de l'étonnement des CRS envoyés par centaines pour ces manifestants qui restent là des  heures, en silence, en lisant des textes mais avec une grande détermination. Ils racontent. Il rient. Il se réjouissent de leurs échanges avec les français qui découvrent leurs actions au jour le jour. La presse longtemps muselée commence à parler. Ils parlent des toutes les provocations, depuis les plus extrêmes qui veulent faire de ce combat un enjeu de pouvoir, aux provocateurs introduits là par un gouvernement aux abois, ou par ce lobby qui le mène en sous-main. Ils parlent de ces députés qui commencent à les rejoindre avec courage. Ils ont de nouvelles idoles. Ils parlent aussi de ceux qu'ils attendaient et qui ne sont pas là. Ils se méfient d'une droite qui ne veut pas s'engager et d'une gauche qui n'arrête pas de mentir. Ils savent qu'il ne faut pas compter sur les promesses. "C'est maintenant ou jamais, disent-ils". Ils semblent n'avoir pas sommeil mais les traits sont fatigués. Puis il faut rentrer. Les groupes se séparent. on se promet des retrouvailles.

L'homme les regarde partir et les suit du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent de sa vue. Il entend décroître les rires, les chants, les "chut ! tu ne va pas réveiller le quartier." Les "Demain on bosse ! Je vous rappelle qu'on a les partiels !" les :" Et m... on aurait presque oublié." Il est maintenant l'heure de partir rejoindre la gare. Il faudra attraper le premier train et là ne pas se rater. Il marche en silence. Il s'émeut de cette jeunesse. il se souvient; ils ont l'âge de ses enfants qui ne sont pas là, occupés dans d'autres villes, déjà plus avancés dans le monde du travail et de la vie. Il sait qu'il portent les mêmes forces et les mêmes espérances dans leurs familles, leurs métiers. Il se dit qu'il doivent regretter de ne pas pouvoir être là avec leurs amis, leurs cousins...à chaque jour suffit sa peine.

Il marche d'un bon pas. Il entend derrière lui un pas qui s'accélère. Il se retourne. C'est un des garçons de la bande. Il était resté un peu en retrait et téléphonait lorsque tout le monde s'était séparé. Il était encore à téléphoner lorsque lui même était parti.

"Monsieur. Vous ne m'avez pas reconnu ?"

"Non. Je devrais ?"

"Philippe x.., Chapitre saint Agricol"

L'homme se souvient maintenant. C'était il n'y a pas si longtemps. Il accompagnait chaque année un pèlerinage. Dans son chapitre, un jeune garçon qui marchait avec sa maman. La femme était plutôt silencieuse et réservée. Ils avaient peu parlé. Ce garçon n'avait pas l'air de connaître grand monde. Il était si jeune que l'homme avait proposé à sa maman qu'il rejoigne plutôt un chapitre d'enfants. Mais elle avait refusé et vaillamment ce petit duo courageux avait marché pendant trois jours et plus de cent kilomètres.

"Je me souviens très bien" Lui dit l'homme." Pourquoi ne l'as tu pas dit plus tôt."

"Je vous ai entendu dire que vous rejoignez la gare de Lyon. Je travaille au Mac'Do d'à côté et je prends mon service dans quelques heures. je n'ai pas le temps d'aller dormir. Si vous voulez nous pourrons marcher ensemble."

"Bien volontiers" lui répondit l'homme et ils partirent.

Je ne sais pas, ami lecteur, si tu as déjà connu le bonheur de ces conversations imprévues où pendant quelques heures, quelqu'un que tu ne connaissais pas...ou peu, te résume sa vie. Ce fut le cas. Philippe avait besoin de parler et il raconta tout.

Il raconta ses parents. Sa mère qui dans le flou de l'après 68 s'était amourachée d'un garçon qui se donnait des allures de révolutionnaires. De cet éloignement familial. De ce vent de liberté qui s'était vite révélé être du vent tout court. Il y avait eu quelques mois euphoriques, quelques années médiocres et un jour le père avait disparu. Pendant longtemps il n'avait plus donné de nouvelles. Il y a trois ans il s'était manifesté à nouveau. Il était devenu rédacteur dans une mairie socialiste. Il avait une place protégée parce qu'il écrivait les discours d'un maire aussi ignare qu'il était bon calculateur. Un qui n'avait pas réussi au niveau de magouilles qui permettait de rentrer dans le gouvernement mais qui ne désespérait pas.

Ce père, après avoir abandonné sa mère, avait eu un certain nombre d'aventures médiocres, profitant d'un certain talent et d'une capacité à se faire aimer des femmes un peu trop crédules. Puis il était ré-apparu. Il voulait "connaître son fils". Sa mère avait accepté qu'ils se rencontrent. Il y avait eu cette étrange rendez-vous dans ce bistrot parisien avec un homme devenu un étranger. Philippe avait envie de l'aimer. On aime toujours son père quand on est quelqu'un de bien. Puis il y avait eu cette deuxième rencontre, ce jeune homme à la fois triste et étrange qui l'accompagnait. Philippe avait compris l'étrange parcours de son père, ce coming-out dont il parlait avec fierté. Philippe n'avait pas supporté. Il ne voulait plus le voir. Il lui écrivait chaque semaine avec patience. Il ne recevait jamais de réponse.

Sa mère n'avait pas eu le courage de retourner auprès des siens. Mais elle avait eu envie que Philippe soit "quelqu'un de bien" comme elle disait. "Un chic type" auraient dit ses grands parents que Philippe revoyait maintenant. Sa mère avait repris un modeste travail de caissière. Elle souffrait de ce décalage mais elle voulait que Philippe puisse grandir dans un "bon milieu". Il avait pu faire un peu de scoutisme et puis, bon élève, il avait choisi une prépa militaire parce que ça ne coûtait rien avec un père fonctionnaire. Il s'était trouvé des amis. Il avait préparé Saint Cyr mais à sa grande surprise il avait intégré une prestigieuse école d'ingénieurs. Il était à Paris. Il avait retrouvé ses amis scouts. Il s'était intéressé à leurs vies. Il était retombé sur ces joyeuses bandes. Beaucoup étaient croyants. Lui, il avait un peu de mal. Mais il aimait ces cousinages, ces fraternités, ces grandes tablées, ces familles nombreuses. Il partageait avec eux une certaine précarité. Il commençait à découvrir qu'elle pouvait être joyeuse. Il aimait ces formations, ces retrouvailles dans cette grande maison de Provence. Il aimait étudier. Il s'aperçevait à quel point il se sentait fils de ce pays de France.

Et puis il raconta les manif. Comment au début personne n'y croyait trop. Puis comme ils avaient été surpris de ce mouvement de masse. Et cette femme, venu du show-bizz, qui les avait rejoint. Au départ beaucoup s'en méfiaient et elle avait su apporter sa touche personnelle, se retirer aussi quand on tentait d'en faire une idole, travaillant comme les autres à une cause servie avec efficacité. Et tous ces gens qui agissaient dans l'ombre et le silence, tous ces talents mis en oeuvre. Et les duperies sans cesse renouvelées du gouvernement et les mensonges de ces lobbys qui s'accaparaient de cet étrange mal-être qu'il connaissait chez son père, pour asservir un peuple. C'était aussi le regard triste du pauve compagnon de son père qui l'avait décidé à s'investir encore davantage. il ne voulait pas qu'on donne une loi qui permette à d'autres de vivre cette injustice qu'il connaissait trop bien."

 

Tu me maudis, ami lecteur, de ce texte déjà trop long...et tu as bien raison. Je te donnerais donc la suite à lire dans quelques jours. En attendant si tu restes empêtré(e) dans les mensonges du gouvernement et de la presse, je t'invite à regarder avec patience le petit film qui accompagne ce texte

Dangereux Casseurs-Cliquez ICI

....et tu y verras les "dangereux terroristes" à l'oeuvre. Et si tu restes convaincu(e), je ne désespère pas qu'un jour tu comprennes.

Bon week-end !

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Commentaires
P
un petit bonjour du dimanche cher Jacques , je ne vous apporte pas le soleil ni la chaleur , mais juste mon bon sourire de PSV , bon dimanche !
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H
j aime l histoire de ce garcon parceque je me reconnais a ma facon dans son histoire chaotique. c est le travail qui m a sauvee et surement un petit autre chose.
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L
Merci Jacques, mon coeur et mes pensées vont souvent vers vous, merci de vos témoignages si tendres et si vrais, merci de cette simplicité, merci pour tout.
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et pourquoi ne pas le dire ?
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