Courage !
Courage mon vieil ami ! Ne te laisse pas aller ! Ton oeil est réparé et tes inquiétudes envolées. Bien sûr, cet arrêt forcé des derniers jours n'a pas contribué à résorber ton retard. Mais souviens-toi de tes deux fils : le médecin et l'ingénieur, venus te remplacer sur un chantier pour te faire gagner du temps. Du temps volé à leurs vacances. Du temps donné à leur père fatigué. Souviens-toi des jours qui ont suivi. Vous vous êtes tous retrouvés pour le baptême du dernier né. Et ce moment délicieux dans ce beau jardin pour fêter le nouveau petit catho. Et cette semaine de vacances en Normandie. Campagne, mer, bonheur familial. Et ces anniversaires et ces retrouvailles. Et toutes ces marques de sympathies, ces messages, ces appels, ces mots d'encouragements. Rappelle-toi aussi ces jeux d'enfants et cette belle maison.
Et dis-toi qu'Elle aussi reprend ce matin et que pour Elle aussi c'est difficile. Pour Elle ne plus il y a l'après, le soir, le repas, les soins de la maison.
Bien sûr qu'il fait chaud...mais souviens-toi que tu demandais le soleil et que ceux qui viendront chez toi feront de ce soleil qui plombe une partie de leur plaisir et gouteront encore mieux la piscine. Dis-toi aussi que c'est une chance que ce travail qui te permet de vivre quand d'autres n'en ont pas. Remercie le Ciel que l'énergie demeure et que l'envie du travail bien fait continue à t'animer. Pense aussi à tous ceux dont les chantiers attendent et qui patientent.
Courage mon vieux ! Tu n'as pas très envie ? Je ne t'ai pas convaincu ? Alors essaie ce truc suivant qui marche à chaque fois. Tu te lèves de ton écran et de ta chaise. Tu balaies d'un regard les objets qui t'entourent : la cheminée éteinte, les photos, les meubles, le chien qui somnole dans le creux encore frais de la porte. Sors et regarde la treille qui croule sous le chasselas. Fais quelque pas dans le jardin. L'herbe mouillée de l'arrosage matinal te rappelle le bocage normand. Prends tes outils. Charge ta voiture. Un dernier regard à la maison qui s'éclaire au soleil. La statue dans sa niche a semblé te sourire. Tu associes à ces bonheurs qui naissent tous ceux qui t'aiment et que parfois tu ne connais même pas.
Et maintenant file ! Tu vois : ce n'était pas trop difficile. Tu es déjà heureux.