Tout dort encore dans la maison ...
...remplie de monde. C'est pourtant le moment le plus doux de la journée. La fraîcheur a pris le temps de s'installer. Dans la maison normalement prévue pour vivre à six, on approche de la quinzaine d'occupants. il faut dire qu'ils ne sont pas nombreux ceux qui prennent de la place dans les lits petits ou grands. Malgré la chaleur qui s'accumule le jour dans les étages, le sommeil ne tarde pas à venir malgré le ronron lancinant des vieux ventilateurs qu'on est allé chercher dans les greniers. De quoi sont-elles remplies toutes ces petites têtes ? de cousins retrouvés et redécouverts, d'amis nouveaux, des rêves partagés dans la cabane fraîchement peinte et qui n'en finit pas de se mettre en beauté ?
Le maître des lieux ignore généralement le réveil de ses hôtes. Il est déjà loin pour des chantiers qu'il place aux heures les plus fraîches ...mais encore trop chaudes. Il arrivera tard pour un repas rapide et une longue sieste partagée avec toute cette douce marmaille apaisée pour quelques heures.
Un instant de silence puis c'est le temps du réveil : la piscine qui grouille, les cris, les jeux, parfois le bruit d'une dispute vite pacifiée. Un rapide passage dans l'eau pour admirer les nouveaux exploits de celui qui sait nager, de celle qui met la tête sous l'eau, et du dernier plongeur-sauteur aux yeux pleins de fierté de cet exploit tout neuf. De temps en temps la maison se vide en partie : chacun retrouve à son tour ses propres amis ou ses propres familles éparpillées dans notre belle Provence. Chaque repas voit ainsi un nombre d'hôtes différents.
Mais aujourd'hui c'est le début d'un week-end. Un jour sans matin de travail. Un jour où justement on vivra le réveil de ces petites têtes blondes, ou brunes, ou rousses. Un journée où des petits visiteurs viendront partager des moments de travail : "Vous faites quoi, Oncle Jacques (ou grand père selon le cas) ? Est-ce que je peux vous aider ?" Et pour un instant souvent très court, deux petites mains viennent aider à tenir une planche ou un outil et partent toutes fières du travail partagé.
Le chien et le chat, placides, supportent avec patience les tentatives de dressage répétées et pas toujours très douces de ces petits maîtres d'un ou de quelques jours. Le passage du "J'ai très peur ." au "Regardez, je n'ai pas peur du tout !" peut-être variable mais est à peu près sûr. Il faut dire que les deux animaux domestiques se traînent de l'ombre d'une fenêtre au dessous de fauteuil un peu humide rafraîchi par un maillot mouillé.
Et toi ma maison. Et toi mon jardin. Et vous les objets familiers.Vous vous prêtez sans malice au jeu de cette sur-utilisation passagère. En un instant, tout prend un sens : les feuilles ramassées de l'hiver, la piscine qui n'en finissait pas de retrouver sa belle couleur claire, les repas préparés et mis au congélateur, les longues courses, les objets rangés, la préparation, les lits sortis, les draps cherchés.
Pour les plus grands que nous sommes c'est l'heure aussi de faire le point, d'écouter, d'entendre, de confier et de se confier. Les habitants ordinaires de la maison s'oublient un peu l'un pour l'autre. Ils se retrouveront. Pour l'heure c'est dans les gestes partagés et échangés qu'ils se rencontrent.
Et puis c'est notre époque qui le veut aussi : on voit un peu partout des couples étranges formés pour un instant : un homme ou une femme, un petit appareil à la main, semble parler tout seul mais il ou elle relie tout simplement à son monde présent une personne aimée et invisible qui se rappelle à lui ou qui attendait son appel.
Car s'il est impossible que tous les gens qu'on aime soient rassemblés, ils sont, dans ces moments, passants dans nos têtes sous la forme d'un nuage, d'un rayon de soleil un peu plus intense, ou d'une voix qui nous les rappelle.
Le temps semble figé et tout à coup très doux. C'est le temps que d'aucuns appelle le temps des vacances. C'est le temps doux du temps d'être enfin un peu ensemble.
Mais c'est aussi mon ami le temps pour moi de te quitter. Du programme d'aujourd'hui je ne sais pas grand chose encore si ce n'est un mariage l'après-midi et le soir qui me feront retrouver d'autres amis, d'autres joies encore.
Alors toi qui me lit et dont j'ignore souvent la vie, sache que tu es aussi un peu présent dans ce concert de bonnes choses qui défilent. Et vous, Mon Dieu, qui êtes à l'origine de toutes ces bonnes choses, je m'en voudrais beaucoup qu'en cet instant présent on ne se souvienne pas de votre bienveillance.
Bon week-end à tous. Je vous embrasse.