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et pourquoi ne pas le dire ?
23 septembre 2013

Le pèlerin

Dans la douceur calme d'un dimanche après midi, un appel au téléphone.

"Je voudrais te demander un service."

"Bien volontiers. Lequel ?"

"J'aimerais que votre maison soit la première halte de mon pèlerinage. Je pars la semaine prochaine à Compostelle."

Le jour n'est pas encore sûr, mercredi ou jeudi. L'homme qui appelle est un ami. Il a prêté du matériel pour un mariage et doit le récupérer. Ce peut être long car ce mariage qui commençait dans une douceur de fin d'été s'est terminé dans des torrents de pluies d'automne. En quelques heures on avait changé de saison. Et remettre le matériel en état sera peut-être un peu long.

" Nous t'attendons et ce sera pour nous un honneur que de te recevoir à cette première étape." On entend derrière lui son épouse. On se met à tous parler à la fois de chaque côté de la ligne. Du bruit, du rire, des éclats. On n'est pas né provençaux, ni les uns ni les autres, mais vivre dans ce pays depuis si longtemps nous a donné à tous un peu de cette joie communicante...et bruyante.

Des souvenirs reviennent en mémoire. L'année dernière déjà. Ce frère aîné rejoint sur la route pour trois étapes. La traversée des Pyrenées, des paysages de rêve et cette ambiance si particulière du "Camino". Une vraie envie d'y retourner...mais il faudra patienter encore. Attendre un ralentissement des besoins. Un relais financier à cette activité..et deux mois disponibles.

Quelques jours plus tard l'homme arrive le soir à la maison. On l'a parfois reçu seul comme on reçoit parfois les maris isolés en l'absence de leur femme. C'est un marcheur aguerri, un vrai sportif. Tout est prêt. On sent des idées de parcours en tête qu'il a envie de tester avant de les exprimer. On parle des mêmes livres qu'on a lu sur le sujet. On sent bien que ce n'est pas une démarche au hasard. Curieux cet appel du Chemin. Il touche beaucoup de monde, pas seulement les plus religieux. comme un besoin de se retrouver en soi-même.

On travaille tous les deux. On arrivera un peu tard. Il est là presque dans l'instant. Il avait du attendre quelque part notre retour après une première journée de marche déjà fatigante. On profite du soir encore doux pour passer la soirée dehors. On se couche pas trop tard pour ne pas dès le début abuser de ses forces. Il rejoint la chambre d'amis ou par un curieux hasard un tableau des chemins est en place depuis l'été. Un cadeau d'enfants à leur père, un encadrement que sa femme a joliment réalisé, comme une envie de dire :" On sait que vous mourrez d'envie de le faire, ce Chemin. On vous fournit de quoi rêver.".

En un soir toute la maisonnée se met au rythme du marcheur et ce sera le matin qui nous séparera, lui pour son chemin de marche, nous pour nos chemins de labeurs. Toujours curieux de savoir l'ami qui part dans à pied dans une direction inhabituelle qui l'écarte de sa maison. On le connaît. Il sera silencieux. Ses appels seront rares. Il recherche quelque chose qu'on ne trouve que dans le silence et l'effort.

On lui dit simplement qu'on se confie à ses pensées, à ses prières aussi. On ne dit jamais avec précision pour qui, pour quoi, ni quels sont les sujets qui nous tiennent le plus à coeur. On sera dans la case un peu mystérieuse des intentions des autres qu'il portera aussi avec lui sans bien savoir de quoi il s'agit.

Il est parti maintenant depuis quelques jours. Il est rare que ne se passe un jour sans que je l'imagine sur le chemin et que je ne chemine un peu avec lui en pensée. Il y a peut-être déjà dans le quotidien l'effet aussi de sa marche. Se dire que tout est don, que tout est reçu, que tout est grâce et recevoir chaque jour comme le mélange d'une grande bienveillance, de nos efforts certes,  mais aussi du poids de nos intentions portées par les autres.

"Alors mon ami, bonne route. Buen Camino."

Et à toi qui me lit je souhaite aussi de partager un jour ce chemin sous tes pas ou sous les pas d'un autre qui marchera pour toi. Qui sait peut-être un jour si Dieu m'en donne la force et la grâce...peut-être qu'un jour que ce sera moi ce pèlerin là.

 

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Commentaires
M
Nous avons ici aussi ce chemin en tête , un jour qui sait ...?<br /> <br /> Je vous souhaite une bonne et douce soirée cher Jacques .
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H
J'imagine que son sac était encore garni de ces petits riens si précieux dont il va s'alléger au fil des pas. Ce superflu qui pèse sur le dos et fait mal aux pieds, et ensuite, de la même manière dépouiller ses pensées des scories qui ne sont pas la vraie vie. J'admire cette démarche, ceux qui sont partis sur le camino en reviennent souvent l'esprit clair et le regard droit.
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R
... Ou nous ???
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et pourquoi ne pas le dire ?
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