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et pourquoi ne pas le dire ?
25 novembre 2013

Couché...

...depuis déjà cinq longues semaines et pour un temps que tu ne connais pas encore. Couché, tu vois le monde à l'horizontale. Couché tu ne sais pas pourquoi. Rien ni personne n'aurait pu le prévoir. Tu es parti, joyeux, un matin pour une belle fête et en quelques heures tout a basculé. Je ne sais pas, mon ami ,ce qui doit passer dans ta tête pendant ces longues heures de réflexion. Passer en quelques heures de l'activité et de l'utilité la plus complète à un immobilisme obligé et une souffrance lancinante que je ne sais même pas imaginer. Tu ne peux même pas invoquer un accident ou une maladresse. Rien n'était prévisible et rien ne s'est passé.

Il t'arrive sûrement de te demander pourquoi. A cela je peux peut-être un peu répondre. Lorsque nous sommes passés hier en ce dimanche soir de novembre, nous étions dans l'eprit ordinaire et un peu noir des dimanches soir. Le mistral qui soufflait entre chien et loup en ce soir ne faisait rien pour arranger les choses. Le poids du quotidien pas toujours facile. Et nous sommes arrivés sur le parking de la maison de santé. On voyait revenir les brancards de ces pensionnaires "libérés" pour un week-end de permission auprès des leurs. En plus des odeurs d'internat de l'enfance sourdait cette lourde présence de la souffrance des autres.

Et puis nous sommes entrés dans ta chambre. C'était pour moi la seconde fois. J'étais déjà venu il y a une semaine mais quelque chose me disait de revenir. Je ne voulais pas rester longtemps. Je craignais de prendre sur tes forces. Mais il fallait que je revienne.

Tu étais là, aux mains des infirmières et des ces gens dont le dévouement et la bonté constituent le fond de leur métier. Tu étais là patient entre leurs mains expertes à chercher la position dans laquelle tu serais le mieux. Tu étais là souriant malgré la souffrance. Tu ne sais pas pourquoi tu es là mais tu portes en toi cette liberté des êtres qui s'abandonnent à leur condition de l'instant. Tu sais qu'en ce moment présent Quelqu'un, bien au-delà de nous, connaît le sens de ce mystère et tu t'abandonnes à Lui. Non seulement tu t'abandonnes à Lui mais tu sais le dire et Le prier, et, tu sais demander aux autres d'ajouter leur prière à la tienne en ce moment présent. Il y a dans ce monde une étrange pudeur à parler des bienfaits que nous recevons de Dieu. Souvent quand on entend son Nom c'est sur un ton de reproche, en oubliant tout ce que nous recevons de bon pour lui reprocher quelques misères. Et là, juste au moment où tu pourrais paraître en droit de le faire, c'est à Lui que tu t'abandonnes.

Puis arrive ton voisin de chambre accompagné de ses parents. Un tout jeune homme. Il est déjà ton ami. Tu l'appelles par son prénom et vos regards qui se croisent sont chargés de bienveillance mutuelle. Vous êtes surement en ce moment les seuls à mêmes de vous comprendre. Vous partagez une même souffrance, une même patience.

Tu étais là et seul ton corps couché indiquait ton état. Les propos que tu tenais, tu aurais pu les tenir en temps ordinaire. Ils prenaient cependant un sens tout différent. Comme un dimanche après midi ordinaire nous avons partagé les nouvelles, les bonnes et les moins bonnes. Nous avons parlé de ces enfants qui naissent, de ces amis qui souffrent et même de ce fils et de ce père que la mort vient de prendre laissant autour de lui le désarroi. comme un dimanche après midi ordinaire.

Dans l'ombre et dans le secret de l'amour partagé, ta femme veille avec soin à ce que ce temps soit pour toi le moins pesant possible. On sent autour de toi comme un halo de sympathie et d'amitié.

Et puis est arrivé cet autre ami venu t'aider ce soir à te nourrir. Et nous sommes repartis. Et tout ce qui passe d'habitude dans notre tête,  un dimanche soir froid et venteux de Novembre avait disparu. La peine à marcher était devenue ridicule. Le travail qui semble difficile à venir nous est apparu comme une bénédiction. Ce pays qui souffre et qui peine semblait lumineux. On avait le coeur gros de te laisser là mais le coeur léger de ce supplément d'âme que tu avais partagé avec nous.

On sait qu'on sera peu là dans les semaines qui viennent. On sait bien que nos vies nous maintiendront ailleurs et que te souffrance n'est pas la nôtre. Mais on sait aussi que plusieurs fois par jour, par l'envolée d'une prière fugitive, nous serons avec toi. Souvent tu ne le sentiras même pas tant nos prières sont peu de chose. Mais parfois, l'espace d'une seconde, la douleur s'apaisera peut-être. En tous cas c'est ce que nous croyons et ce que nous voulons croire.

Et c'est pour partager avec d'autres qui t'aiment aussi ce moment de grâce que je voulais en ce matin froid où le vent continue de souffler t'écrire, mon ami, ces quelques mots que tu liras peut-être un jour quand tout cela sera apaisé. Et comme une fois n'est pas coutume dans ce monde où nous avons nos pudeurs, je t'embrasse au nom de tous ceux qui attendent comme toi avec confiance ta guérison.

Pour terminer j'avais envie d'écrire "Courage !" mais j'écrirai plutôt "Merci !"

Ton ami.

 

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Commentaires
H
Il est très touchant votre billet MJacques!
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Z
Très beau et émouvant billet ! Profond aussi.<br /> <br /> Merci Jacques !
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C
Il est comme cela des êtres qui nous donnent de la force, et nous font paraître tous petits nos soucis. Comme si l'adversité leur donnait une sagesse qui nous manque. Et les leçons de vie que l'on prend auprès de tels professeurs sont irremplaçables.<br /> <br /> Vous nous donnez la un beau récit d'amitié, monsieur Jacques.
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B
merci pour ces belles lignes pour notre ami commun. J'aimerais aussi pouvoir l'entourer. Heureusement,il une femme et des amis à la hauteur, et on sait qu'il s'en sortira.
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H
Merci pour ce magnifique texte , il en a de la chance d'avoir un ami comme vous ! bonne semaine Jacques , bien venteuse encore ce matin mais le soleil est là et ça ça c'est bon pour le moral !
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et pourquoi ne pas le dire ?
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