10 juin 2016
Lettre ouverte à une amie imprudente
Ma chère T....
A l'heure où je t'écris ces quelques lignes, la France est tout entière mobilisée par quelque chose de très grave. Quoi ? Une loi décisive sur la vie ou la mort ? Un changement de statut de l'Europe ? La fin d'une grève ? L'éradication du terrorisme sanglant ? Sa conversion, peut-être ?
Que nenni ! Ce soir, c'est le premier match de l'euro de football. Je n'aime pas le football...mais c'est lui qui a commencé. Enfant j'étais un piètre joueur, trop timide pour marchander un place interessante...alors j'étais celui qu'on choisit en dernier.
A vrai dire, à l'époque je n'aimais aucun sport. Le rugby plus tard me réconcilia avec le sport. J'y trouvai ma place. J'en aimai l'esprit et les coutumes. J'avais le bon gabarit. Je suis devenu fana.
Rassure-toi, je ne suis pas non plus étranger à toute émotion quand je vois mon pays rassemblé autour de ses onze joueurs. Je reconnais qu'ils sont adroits et qu'ils ont du talent mais, comme mon amour pour eux est limité, je n'assiste qu'aux phases finales des championnats. Donc pas ce soir.
Mais parlons un peu de toi et de cet incroyable talent que tu mets à faire des choses impossibles. Ne parlons pas de ton mariage avec un homme lui même inconscient et s'exposant trop souvent à tous les risques du sport. Parlons plutôt de cette idée de faire du solex, objet désuet et charmant mais fort dangereux au demeurant.
Je ne sais pas les circonstances exactes de l'accident mais voilà aujourd'hui tu es coincée dans une chambre d'hôpital, à quelques jours du mariage de ta fille, suspendue par des fils à des poches diverses qui servent à te maintenir en état. Comme j'ai vu sur Facebook que tu étais capable d'en sourire, je me dis que c'est bien toi et que le cerveau lui est intact.
En fait on n'aime pas savoir ses ami(e)s dans le souci ou dans l'inquiétude alors on pense à toi. On espère que tu gardes le moral, que tu sauras nous envoyer une de tes fameuses grimaces qui font le succès de ta famille ( elles doivent servir à dissimuler le physique plutôt ingrat de ton sportif de mari ;-)).
On aimerait bien que tu renonces à cet appareil diabolique où un petit moteur poussif fait aller trop vite un engin qui n'a pas de freins.
Tu as de quoi te contenter pourtant : un mari attentif, des enfants sympas, nombre de petits enfants qui doivent te vénérer comme une sorte de mamy poppins qui a mille tours dans son sac, des amis qui te trouvent super, le théâtre, la peinture, la déco...
"Mais alors, que Diable allait-elle faire sur ce solex?"
Voilà, j'ai trouvé. C'est le Malin, qui t'aura tenté avec cette bicyclette à moteur. Qu'il soit maudit. Qu'on l'exorcise et qu'on le noie d'eau bénite !
Alors je me suis dit que quelques minutes de lecture et de délire te feraient oublier un instant cette situation pénible d'hôpital. Prend grand soin de toi.
On pense à toi. On t'embrasse.
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