Attentes de petits bonheurs
Pourtant il était plus tard que d'habitude quand je me suis levé. Couché tard, je n'ai plus la cloche du beffroi pour me réveiller. Ça restera vrai tant que les travaux ne seront pas terminés mais ensuite les heures sonneront plus rondement car on aura réparé le mécanisme d'origine.
Il était donc 7 h. Je suis vite parti aux jardins. Un seul jardinier était déjà là qui veillait à ses futures récoltes. Échanges de quelques mots et de quelques conseils et deux grosses heures à bêcher. Retourner cette terre qui n'a pas été cultivée depuis longtemps mais qui porte encore des mauvaises traces du passage de l'homme : plastiques rapportés par le vent ou peut-être laissés là par d'anciennes cultures. J'ai envie de redonner à cette terre un peu de son authenticité. J'aime ce geste de bêcher que j'ai un peu pratiqué plus jeune. J'aime sentir la fatigue, le corps qui se remet en marche, qui retrouve sa force.
Mes mains se marquent d'ampoules et je revoie les grosses mains du jardinier du parc de mon enfance. Des mains sans formes qui se jouaient des ronces et des orties. Ça me semblait être le summum de la réussite du travail. Je suis un peu embarrassé par ce jardin. Je m'aperçois que je n'y connais pas grand-chose mais je prends plaisir à apprendre à voir pousser les premiers légumes, à récolter mes premiers radis.
Je m'étais dit :"Tu iras au jardin. Ensuite tu écriras ton petit texte. Puis tu partiras au marché, traîner un peu dans le village. Après le déjeuner....et la sieste, tu retourneras au jardin...ou pas. "
Ce dont je suis sûr c'est qu'en fin d'après-midi nous irons marcher longtemps. C'est devenu une douce habitude que ces longues boucles autour de la maison.
Ce soir j'ignore si nous avons prévu quelque chose. En fait, je l'espère. J'aime ces soirs d'été, d'amis autour d'une table dans les jardins,quand nos maisons sont encore vides d'enfants et de petits-enfants.
Allez savoir pourquoi, durant ce long moment à bêcher, je rêvais d'un petit voilier, un peu comme un grand jouet. Je me promenais d'île en île, poursuivant un vieux rêve de navigation. C'est terrible cette tête qui ne s'est jamais vidée des rêves de l'enfance.
Je mourrai un jour sans les avoir évacués.
Que deviennent les rêves après la mort ? Je ne sais, nul ne sait, Dieu le sait. Pourvu qu'il ne se réalisent pas et qu'il puisse rester une éternité entière pour les épuiser.
"Mais tu divagues, mon ami ! pourquoi tu leur racontes ça ? "Murmure au fond de moi un reste de conscience inutile.
Parce que le ciel est d'un bleu si pur qu'on peut tout dire et tout rêver.
Bonne journée, ami lecteur.
/image%2F0955398%2F20240423%2Fob_c8e8b9_img-3472.jpeg)
/image%2F0955398%2F20240420%2Fob_a1c33b_img-3471.jpeg)
/image%2F0955398%2F20240419%2Fob_fc4323_img-3470.jpeg)
/image%2F0955398%2F20240418%2Fob_391932_img-7146.jpeg)