Terre et outil
La terre de mon jardin potager est assez étrange. Elle ressemble à un sable très fin et très noir. Probablement les limons déposés par le réseau des rivières et devenus marais puis culture sans même avoir connu l'étape de la forêt. Elle est parsemée de petits déchets de matières plastiques qui furent certainement autrefois ces protections que mettent les paysans au pied de leurs plantations. A l'intérieur aucun ver de terre, un désert d'insecte. Je ne suis pas assez savant pour dire si c'est normal ou pas, si cette terre est riche ou pauvre. Je vois sur les parcelles voisines plus anciennes des cultures qui prouvent qu'elle doit bien être un peu fertile et les premiers résultats sont assez encourageant. Si je devais facturer les heures passées dans ce jardin je pense que la moindre courgette devrait séjourner dans un coffre-fort tant elle est précieuse.
Mais tout cela n'est rien car tout ce temps m'est maintenant offert sans idée de rendement. J'espère avec le temps et le travail changer la nature même de ce terrain, le rendre plus vivant, plus fertile.
En attendant je découvre chaque jour. Parfois un autre jardinier m'indique un petit truc et je surveille avec attention les parcelles voisines. Je veux que ces plantes me deviennent familières et amies.
Cependant le premier objectif est bien que quatre petits-enfants m'accompagnent à pied ou à bicyclette dans ce petit espace magique pour y venir m'aider ou jouer ou dénicher quelque gros crapaud dans le compost. Ils arrivent dans trois semaines, le temps qu'un certain nombre de légumes arrivent à maturité.
J'ai dans le petit jardin de la maison, impropre à cultiver des légumes, fabriqué deux petits caissons, petit potager en réduction qui me permet de surveiller chaque jour ce qui se passe sur chaque espèce.
J'ai acheté quelques outils dans un supermarché voisin, d'un prix très bas, trop bas peut-être indiquant qu'ils viennent probablement d'un pays trop lointain au travail trop injuste.
Mais l'outil que j'utilise le plus est une sorte de griffe qui permet de ne remuer la terre qu'à l'endroit où l'on va planter. C'est une amie qui me l'a donné un jour que je déménageais sa maison. Il venait de son père, un des ces jardiniers du nord qui savent le prix des légumes qu'on cultive par tous les temps et sans trop de soleil.
Je me souviens avoir aperçu une ou deux fois ce monsieur. Il faut qu'il sache là où il est maintenant que cet outil, fruit du partage des hommes, a retrouvé son sens, son destin, sa vocation.
Cette nuit nous avons eu un gros orage et il me semble important d'aller jeter un coup d'œil au jardin.
Je te laisse mon ami. J'avais besoin de ce rappel matinal de la bonté de la terre pour commencer cette journée que je te souhaite belle et bonne.