Un écran vide et le labeur des hommes...
Je regardais depuis ce matin un écran vide. Les mots étaient dans ma tête et n’arrivaient pas à descendre sur le papier car j’aime à parler de la beauté des êtres, de la grandeur dans l’humilité, de la droiture. Et je me heurtais à des contre-exemples ....un peu trop nombreux.
Comme cette amertume que vous avez parfois dans la bouche après les périodes de fêtes.
Alors j’ai décidé de commencer à écrire, un peu comme une thérapie.
Pourtant hier aurait dû être une fête : j’avais commencé ma journée en passant quelques heures dans le camion des éboueurs qui m’avaient proposé de suivre leur tournée. La vie quotidienne de ces gens qui se lèvent avant le jour et qui travaillent dehors dans le petit matin froid et humide. Autour de mon village les terres sont en ce moment gorgées d’eau. De cette mauvaise eau d’avant le froid qui peut demeurer longtemps et nuire aux récoltes.
Ils étaient trois : deux hommes et une femme. Le rippeur, un ancien accroché à l’arrière du camion sous tous les temps que je connais depuis le début de mon mandat. Le chauffeur, plus nouveau, qui commença aussi à l’arrière du camion et qui me parla de ce permis obtenu avec peine comme d’un don du Ciel. La jeune femme, elle, est une technicienne chargé du contrôle de cette activité. Mais pour savoir ce qu´est, vraiment, ce travail.. elle fait cette opération, aussi comme rippeur, à l’arrière du camion. Un moment avec eux dans le camion. Et aussi le partage de leur pause : Un café chaud et lumineux. Ils m’ont parlé aussi de cette vie qui devient trop dure pour eux. L’un d’eux est de ces « gilets jaunes ». Il m’a raconté les barrages, l’espoir, la déception, ce grand vide des réponses, ce sentiment de mépris des « grands ».
L’après-midi occupé à explorer des chantiers proches de celui qui devrait dans quelques mois au cœur de mon village.
La encore, rencontrés, les silencieux d’autres villages qui nous parlent de leurs places, de leurs pierres, des travaux, des guirlandes qu’ils installent pour Noël, du marché du matin.
Il y a aussi ce soleil qui s’est réinstallé pendant le jour et qui devrait permettre de reprendre les travaux bloqués sur le toit d’une école. (Quoique le vent que j’entend souffler dehors en ce moment réveille un peu mon inquiétude.)
Ça va un peu mieux. Mais ça n’efface ni la tristesse, ni la déception, ni l’amertume de cet ami qui part, dépité de ne plus trouver sa place ni de faire entendre sa voix.
Holà! L’ami. Vite te ressaisir, te souvenir des murs ou des pays qu’on reconstruit sur des ruines ou des braises, de cette envie qui doit rester bien au delà de tout ça.
Mais il va falloir vite trouver « comment ? ».
Et il y a les livres, et il y a le jardin, et il y a surtout tous ces êtres que j’aime et qui méritent qu’on se lève pour eux, un peu l’âme et le tempérament.
Et y a ces mots qui se sont installés maintenant devant les yeux sur cet écran vide et qui m’ont réchauffé.
Je sais, ami lecteur, que tu n’aimes pas trop ces écrits maussades, que tu préfères que je raconte le beau, le joyeux, le lumineux. Alors je te prie de bien vouloir m’en pardonner.
Mais comme tu es mon ami, tu sais que ça ne dure pas...et c’est aussi pour ça que c’est à toi que je le dis.
Bonne journée.