Mistral
Tu nous as fait patienter, mon ami le Mistral. Nous avions ce ciel bas, ces trombes d'eaux qui révèlent que nos beaux toits ne sont pas bien étanches, ou plutôt qu'ils le sont...quand il ne pleut pas, ou quand la pluie est douce et bien droite. Mais survienne une de ces pluies violentes venues des Cévennes, ou pire encore une de ces pluies du sud qui a du traverser la mer pour parvenir jusqu'à nous , et l'eau trouve son chemin . On se dit que le toit est vieux, qu'autrefois au printemps on bougeait quelques tuiles et l'eau disparaissait ou bien changeait d'endroit. On se dit qu'il faudrait refaire un de ces beaux toits modernes, des belles tuiles anciennes qui dissimulent une vraie couverture...on se dit...on se dit...Mais le soleil est déjà là ,porté par le Mistral qui chasse ces mauvais nuages. Alors on fera plus tard... ou on ne fera pas !
Tout d'abord il nous agace tant il est fort ce vent majuscule. On compte les jours. Les multiples de trois, dit-on, et il disparaîtra. Mais bien souvent il fait mentir le dicton et demeure longtemps. Il fait froid. On se calfeutre.On se chauffe au feu. Les cheminées alors ont de bien étranges retours et les yeux piquent un peu parfois. Il apporte avec lui ces ciels lumineux ou la lumière semble danser dès qu'elle traverse les branches agitées des arbres. Tout prend des couleurs merveilleuses. Les bruits vont curieusement selon qu'il sont sous le vent ou contre lui. Il donne la couleur, le bruit, les odeurs qu'il transporte avec lui. Il blanchit le Ventoux qui porte alors si bien son nom et il lui donne ses beaux atours d'hiver. Le blanc des pierres du sommet qui demeure à l'été, s'étend, couvre les grands arbres et descend plus bas, vers la plaine.
On était humides, endormis. Tu nous réveilles et nous fait sortir au froid. On reprend les taches délaissées. On rentre le bois. On nettoie le jardin pour l'hiver.
Et moi mon ami Mistral, tu me donnes envie de voler, de te suivre, de reprendre le char de mon ami Cyrano et de traverser la Provence, de passer au dessus du Ventoux de neige, de remonter contre toi, comme on remonte un courant en bateau pour mieux le redescendre, pour glisser son regard sur ces beaux paysages. La vue semble infinie. On sait bien qu'ils sont fous ceux qui nous disent que la terre est ronde. On voit bien que notre regard peut la contenir. Et si le char n'est pas disponible, j'attendrai la nuit et les premiers rêves qui m'emporteront bien loin. Le matin je redescendrai vers la terre et le travail qui m'appelle et qui me donne une joyeuse envie.
Mistral mon ami, quand tu es là, j'aimerais être musicien, pour raconter la musique que tu portes, peintre, pour poser ces belles couleurs que tu amènes avec toi, j'aimerai être poète et dire en vers cette chanson que tu traînes dans ton sillage.
Mais comme je ne suis rien de tout ça, je me contente, en admirateur maladroit, de raconter d'une plume malhabile comme tu me touches, comme tu me transformes, comme tu bouleverses ma vie .
Et puisque tu n'es pas le seul qui m'intéresse, ami Mistral, je profite de ces quelques lignes pour saluer ceux qui les liront et leur souhaiter un doux week-end, autour du feu qui réchauffe et qui apaise...et qui j'espère pas trop ne fume.