Le jardin d'à côté (2)
Comment faire pour ainsi transformer une attente en bonne nouvelle ? Comment faire d'un nom vaguement entendu par un enfant la réalité d'un achat ? Comment retrouver l'auteur du coup de fil ?
Une véritable enquête de police. Une histoire de famille trop compliquée entre le propriétaire et le vendeur pour que je vous la raconte sans livrer un de ces secrets de village que tout le monde connaît et que chacun feint d'ignorer : une des raisons de ces équilibres fragiles de proximité.
Un premier appel et un long quiproquo téléphonique font découvrir à Jacques que l'auteur présumé du coup de fil n'était pas ce voisin, dentiste en retraite, qui s'étonnait d'un si long appel pour une affaire dont il ignorait tout. Car ces secrets de village, il ne faut surtout pas essayer de les trouver tout seul. Il faut attendre qu'on vous les confie.
On finit quand même par trouver le vendeur. Un peu bourru. quelques phrases. "Vous voulez acheter. Nous voulons bien vendre. Dites-moi le prix que vous proposez."
Bien embarrassée la famille de Jacques. Aucun n'est habile au maniement de l'argent et cela depuis un nombre si grand de générations que le meilleur ami de la famille est certainement "dame incertitude" ou peut-être "monsieur manque d'argent". On finit par trouver une idée de prix entre le possible pour nous et ce qui pourrait être raisonnable pour les vendeurs. On la propose, la peur au ventre. Ils acceptent en majorant très légèrement ...c'est encore possible.
Le rêve grandit dans la tête et le coeur de la petite famille.
On se rencontre. On s'entend. On signe un compromis auprès d'un notaire ému (il adorait Adrienne, une sorte de grand mère partagée par tous les enfants du village). On attend l'acte final.
Et on rêve, et on rêve, et mille projets voient le jour. Et Jacques s'enhardit et chaque soir franchit le mur pour mieux décrire le rêve aux autres.
Bien sûr ce sera dur. Il faudra trouver la somme car entre temps on avait fait un autre pari : quitter le nid douillet d'une grosse entreprise pour devenir "indépendant" (la terreur des banquiers et autres prêteurs). Ceux qui ont affronté les banquiers sauront l'effort qu'il faut pour convaincre l'un d'entre eux qu'indépendance ne veut pas dire précarité (en tous cas pas dèjà !)
L'anniversaire de madame tombe la veille de la signature de l'acte. Tous les cadeaux vont dans ce sens : tablier de jardin, outils de jardin, dessins par les enfants ..de jardins. Chacun y est allé de son imaginaire. Il y a même un chien, un chien comme le jardin dans son état actuel. Un chien qui ne ressemble à rien sauf dans la tête des futurs propriétaires du jardin d'à côté.
Et le matin le notaire appelle. "Une mauvaise nouvelle. La vente est annulée. La mairie a préempté. Je suis désolé."
Amis lecteurs (si vous existez ) Jacques vous livrera demain la suite de son histoire.