Les"gens"
Il y en a des grands, des petits, des gros, des maigres, des jeunes, des vieux ...ce sont les "gens". Dans la solitude de son travail, il arrive à l'homme de manquer de "gens". Si la plupart du temps il aime la solitude, le recueillement qui l'accompagne et les pensées qui fourmillent, il lui arrive cependant de regretter l'agitation de la ville, tous ces êtres qui s'agitent et qui s'entrechoquent. Sentir au passage le parfum de cette belle femme, entendre le rire complice de ce couple, croiser les regards . Attraper les regards, surtout les regards et avoir en un instant le sentiment de découvrir une âme. Il se souvient alors de son enfance, du grouillement agité d'une ville de banlieue, de cet affairement de l'époque, puis des transports en commun, des boulevards trop pleins de gens qui courent, une sorte de griserie ou même d'ivresse pour lui qui aime tant aussi le temps de la reflexion, le temps de l'âme.
Alors il se repasse en mémoire ces instants tandis que ses bras recouvrent les murs de plâtre. Il se passe ce film muet tout en étant attentif à l'endroit qu'il recouvre. Son visage s'éclaire. L'envie est passée. Les quelques "gens" qu'il croisera ce soir, ceux qu'il aime et qu'il retrouvera avec bonheur dans la douceur d'une maison, où il va falloir penser à faire une première flambée, suffiront à combler cette envie.
Si le sommeil lui fait défaut, il ira parcourir d'autres mondes, d'autres gens. Celui des livres plein de belles rencontres où l'invention ajoute encore au bonheur de ceux qui existent, celui de l'ordinateur avec ces pages de phrases délivrées par d'autres. Comme les auteurs d'ouvrage, il s'imaginera leur portrait d'après leurs écrits, d'après les indices qu'ils donnent, une autre forme de découverte. Et il prendra du plaisir à lire de nouvelles pages ou aller fouiller dans le fond des anciennes. Il s'inquiétera même de ceux qui font défaut.
Et le jour reviendra avec sa charge de travail et de solitude. Il regardera avec bonheur le plâtre à peine séché de la veille avec orgueil...ou déception. Il pèsera l'ouvrage à venir. Il imaginera la pièce finie. Il se réjouira de ce travail vrai où on est face à soi-même et à l'ouvrage fini. Il sait qu'il gagne son pain à la sueur de son front, que ce n'est plus un mot mais une réalité.
Peut-être fera-t-il une pause dans ses pensées pour aller toujours en rêve, se promener dans le temps ou dans l'espace. Peut-être auprès de deux petites fées américaines qu'il ira retrouver à Noël et avec qui il se promet de longues marches sur des plages de Floride où ils oublieront l'hiver. Peut-être pour revisiter hier. Peut-être pour imaginer demain.
Bonne journée.