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et pourquoi ne pas le dire ?
22 juillet 2012

Un enterrement en Aunis

Aunis : Un nom que l'on découvre au hasard d'un panneau. On connaissait l'endroit. On ignorait son nom. Il était long le chemin et elle avait été rapideemnt prise la décision de se rendre à cet enterrement. Pas très raisonnable de traverser la France d'est en ouest pour rendre un dernier hommage à ce vieil oncle, juste au  moment où juillet et août se croisent sur les routes des vacances. Beaucoup de kilomètres, beaucoup de fatigue mais aussi un long moment d'échanges. 

On part quand le jour n'est pas encore levé, avant que les vacanciers ne se mettent en route. On roule et on roule encore sur cette autoroute .

On arrive en avance. La petite église est charmante.Comme sortie d'un roman. Elle sent le sud ouest, la province. Elle dépasse à peine de ces maison très basses comme pour éviter le vent. Des maisons de pécheurs au milieu des terres mais pas encore très loin de la mer, à quelques kilomètres de La Rochelle. Elle n'a pas bougé depuis bien longtemps. Rien ne l'a enlaidi. Au fond, de chaque côté de l'autel, une statue de Jeanne d'arc et une statue de Saint Louis donnent le ton. Une église marquée par la fin du 19eme siècle, peut-être le début du 20éme. Une voûte en ciel bleu délavé et en étoiles blanches. Sur les murs une peinture à la chaux vieux rose parsemée de fleurs de lys. Des bancs de pin très sobres et des numéros qui rappellent les jours ou les gens se pressaient pour la messe et où c'était affaire de protocole que de s'y placer. Devant l'autel des tréteaux attendent le cercueil. Quelques bancs sont déjà remplis. Des personnes âgées venus enterrer un plus vieux, ou un à peine plus jeune. Habitués à ce genre d'accompagnements. Des cheveux blancs, des canes, de la tenue et de l'élégance malgré l'hésitation et la fragilité de la démarche.

Aux premiers rangs les bancs réservés à la plus proche famille sont encore vides. Arrivent, précédant le cercueil, quelques anciens combattants, plus vieux et plus chenus les uns que les autres. En vêtement civils à l'exception de leur anciennes coiffures, des bérets ou des calots défraîchis....depuis le temps ! Ils portent de lourds drapeaux, couverts d'inscriptions, de dates, de campagnes. On enterre un des leurs : un ancien colonel. Suit un petit  garçon, un arrière petit fils, portant un coussin couvert de décorations qui rappelle le souvenir de ses anciennes campagnes, d'un temps un peu oublié.

Derriére, la croix, le prêtre et les servants de messe, encore des arrières petits enfants. Puis vient le cercueil que l'on met en place, et enfin la famille ,très nombreuse, qui s'installe en silence. Toujours dur de voir la peine des gens qu'on aime et qui tout a coup se trouvent seuls et désemparés. Une veuve, un peu perdue, dans l'empressement et l'agitation qui suit la mort, soutenue par ses enfants. Mais une famille très digne, qui se tient, qui partage la même foi dans un "après la vie", un au-delà. La cérémonie se déroule avec sobriété. On n'évoque que l'homme face à ce dur passage de la mort et le mystère de ce moment et de la peine qui l'accompagne, même pour le chrétien.

On sort. On se reconnaît. On s'embrasse. Les premiers sourires apparaissent. Le bonheur de se retrouver l'emporte sur la peine de la disparition. Puis on s'avance en convoi dans un de ces petits cimetières ou on aurait presqu'envie de reposer un jour tant ils respirent la paix et le repos. Un de ces petits cimetières à taille humaine, dans la douceur d'une fin d'après midi d'été.

Un tombe vide. Un cercueil que l'on place. L'émotion du dernier au revoir à un corps. il ne restera plus que le souvenir. De l'autre côté de l'allée, la même tombe, qui s'est remplie bien trop tôt du corps d'un petit fils parti à un âge où c'est bien moins normal. Le souvenir et la peine qui reviennent aux parents. Un peine qui fait écho à une autre.

Et puis on se retrouve dans la grande et belle maison, vide d'une présence. Une maison très belle, restaurée avec soin. Le souvenir d'avoir partagé avec cet oncle par alliance ce goût du travail des pierres et des belles choses et du bonheur de faire revivre une vieille maison. On parle, on se retrouve, on se restaure. On évoque le prochain mariage, les prochaines retrouvailles, cette fois pour de la joie. La vie reprend vite ses droits et c'est tant mieux. La tante semble déjà reprendre chez elle, un peu de vie, retrouver ses marques. Elle reconnaît. Elle remercie.

Et on repart. On dormira dans la famille; On repartira par une autre route. On retraversera la France par le massif central, par ces belles routes au milieu de ces douces montagnes. Vertige du Viaduc de Millau, vertige de la vue magnifique de Garabit. On passe très vite dans une région et dans une ville qu'on a habité et qu'on a aimé. Et au bout de la route, la chaleur des retrouvailles avec une maison pleine. On était attendus. On raconte. On partage. On a fini la parenthèse.

Lundi, une autre mort, liée à la maison qu'on répare nous contraindra à son tour au repos. Un repos bienvenu. Une fin de juillet où la mort a rappellé sa présence mais avec délicatesse comme pour nous dire qu'elle fait partie de l'existence et nous donner encore plus envie d'aimer la vie.

Et le travail reprend pour une petite semaine avant quelques jours de repos, bien attendus.

Après les nuages, le ciel bleu a repris sa place, la vie son rythme. Seul le vent un peu violent de ce dimanche met un peu de désordre dans le jardin que l'on retrouve....et c'est bien ainsi.

Un peu difficile de dire en noir et blanc, toutes ces couleurs, toutes ces émotions. Alors ami lecteur, tu as le droit d'aller chercher au fond de ta mémoire et au fond de ta vie de quoi colorier ces images qui t'appartiennent aussi.

Je te souhaite une très bonne journée, une très bonne semaine.

 

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Commentaires
H
Votre fête aujourd'hui ? Si le cas bonne fête alors et merci pour ce beau billet teinté de noir.
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B
Bonne fête à vous Jacques et très bel été!!!
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L
Merci pour ce texte Jacques. A bientôt.Sylvie
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S
La description de ce recueillement est juste magnifique. J'apprécie particulièrement la subtilité de cette phrase "Et puis on se retrouve dans la grande et belle maison, vide d'une présence". Merci pour ce partage Jacques et belle semaine à vous.
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C
La ronde de la vie et de la mort qui emmène chacun de nous dans un tourbillon d'émotions. Contés comme de coutume avec le style inimitable de ceux qui mettent de la poésie dans chaque geste et revêtent d'or leur plume comme vous le faites. C'est juste vrai et magnifique.
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