Prière d'un travailleur
Merci mon Dieu, pour ce travail que vous me donnez encore aujourd'hui. Vous me donnerez une fois de plus une chance de comprendre ce que veux dire :"Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front.". J'ai mis du temps à le comprendre. Je trouvais autrefois le pain facile et le travail une bénédiction. En fait, il n'y aura pas de sueur en ce jour. Il fait un peu trop sombre dans le garage où je casse un mur pour ouvrir des portes. La fatigue, elle, sera au rendez-vous. Et le corps fatigué, le soir, brisé de fatigue, du bruit et de la poussière d'un marteau piqueur.
Mon Dieu que ce travail serait pénible s'il n'y avait pas ce matin la route qu'éclaire un soleil qui se lève et qui apparaît peu à peu dans le feuillage des arbres, balayant la route et dessinant à sa fantaisie les contours des arbres. S'il n'y avait pas comme hier, ce petit faon étonné qui hésite à traverser la route, surpris d'être surpris par une voiture matinale. S'il n'y avait pas non plus ce beau paysage que je découvre dès que je sors pour chercher un outil et que je découvrirai à midi en déjeunant sur la terrasse , je l'espère, éclairée de soleil. S'il n'y avait pas non plus, le soir, en redescendant cette route qui ondule à travers les pins d'abord, puis les cerisiers, puis les vignes, laissant paraître sur les côtés ces beaux villages perchés et ces maisons agglutinées autour de leur belle église. S'il n'y avait pas non plus le retour, la redécouverte de la maison, l'attente comblée par les retrouvailles.
Vous le savez, mon Dieu, nous sommes seuls à nouveau. Ils sont repartis les enfants mais il y a encore leurs traces, leur odeur, leur présence. Car vous avez donné aux hommes la grâce du souvenir malgré l'absence. On parlera d'eux ce soir encore et de ceux qui ne sont pas venus depuis longtemps. On parlera du dernier-né, du petit américain qui vient d'avoir trois mois. On parlera aussi de nous, des projets, du courant, de l'existence, de ce pain que vous nous donnez aussi jour après jour en abondance, en abandon.
Et puis après le dîner, dans le salon trop confortable, le travailleur s'endormira sur le canapé, vaincu par la fatigue du jour et se couchera comme une masse sans même prendre le temps de vous remercier.
Vous vous direz peut-être :"ingratitude des hommes !" mais je crois plus volontiers que comme un Père vous le regarderez dormir comme il aime regarder dormir ceux qu'il aime.
Mon Dieu, le repos donné par vous à mon corps, m'a réveillé très tôt ce matin encore. Je vous remercie des milles petites choses que j'ai eu le temps de faire, utiles et inutiles surtout...Ce sont celles-la que je préfère. Il y en a encore plus qui sont en attente mais vous nous avez dit aussi qu'"à chaque jour suffit sa peine."
Mais il est temps de partir. Alors une dernière demande : Mon Dieu, si vous pouviez faire sentir à tous les hommes tous le bien que vous nous faites, comme je le ressens ce matin encore. Ce serait tellement plus facile pour tout le monde de vous écouter.
Mon Dieu, pardonnez-moi si je vous laisse, je m'aperçois que je viens d'oublier de fêter à mon frère son anniversaire et de remercier un ami d'un cadeau.
Je vous demande juste, une dernière grâce : une dernière bénédiction pour cette journée.