Sommeil, envie, travail.
Il arrivait souvent à l'homme de se demander pourquoi le sommeil le fuyait si vite. Ses journées étaient pourtant bien dures. Il attendait aussi que le sommeil soit bien présent. Il s'endormait comme une masse ayant parfois du mal à finir une courte prière ou même à trouver le temps ( ou le courage) de la faire. On aurait pu croire qu'il dormirait longtemps et pourtant, tôt dans la nuit ,le réveil le rappelait à lui. L'homme n'aurait pas su dire pourquoi. Les lendemains étaient incertains mais ne lui généraient aucune angoisse. Les tâches s'accumulaient et il lui était difficile de les faire à temps mais il savait qu'il y arriverait. Ça prendrait du temps mais il y arriverait. L'argent manquait souvent, trop souvent, mais le sentiment que le nécessaire ne lui avait jamais manqué le confortait dans sa confiance dans le lendemain. Il aurait aimé en avoir un peu plus, ne serait-ce que pour , à son tour, pouvoir aider.
il y a les êtres organisés capables de mettre de l'ordre dans leur vie, de prendre juste les tâches qu'ils étaient capables d'accomplir, d'avoir un bureau ou un atelier rangé, de dire "non!" aux sollicitations intrusives. Lui, n'était pas de ceux-là. Il prenait tout : les affaires difficiles, ce dont les autres ne voulaient pas de peur de ternir une réputation de rigueur, les demandes d'aides, les sacs trop lourds. Il ne voulait pas manquer à son quotidien. Il se disait parfois qu'il serait plus efficace en sachant refuser, différer et que sûrement ses choix lui seraient bénéfiques. Mais il ne savait pas , ni ne voulait vraiment, d'ailleurs.
Une enfance un peu confuse, une envie d'être aimé de tous, le sentiment que son chemin serait celui "escarpé et semé d'épines", la satisfaction de se sentir capable d'en accepter toujours davantage et d'y arriver parfois à temps, parfois à contretemps. Ainsi au milieu de la nuit , parfois, le mur lui semblait infranchissable.
D'abord il se confiait à Dieu, lui demandait de mettre de l'ordre là où il ne parvenait pas à le faire. Il arrivait que ce soit immediatement efficace. Le plus souvent il n'attendait pas la réponse et se levait. S'il etait inspiré il écrivait alors quelques lignes. Le plus souvent il lisait et relisait ses livres, ses courriers, ses blogs. C'était l'heure où mille idées jaillissaient dans sa tête, l'heure des foisonnements et le sommeil disparaissait.
Le matin serait facile. Le temps mort qui suivait le repas de midi était par contre un obstacle difficile à franchir. Le sommeil venait chercher le temps qu'on lui avait volé la nuit et tentait de. s'imposer en force.
il avait entrepris un chantier chez lui qui lui prenait son énergie et qui lui tiendrait lieu et place de vacances. Il avait profité de l'absence de sa femme pour refaire une salle de bains. Il avait rêvé à en faire une surprise. Le temps de travail l'avait dépassé et la surprise n'avait pas été au rendez-vous. Elle etait ratée mais le travail restait à faire. Tout prenait trop de temps : l'humidité empechait le séchage des enduits. Il découvrait d'anciennes malfaçons, plein de choses à reprendre. Pendant ce temps ses chantiers etaient bloqués Et l'argent ne rentrait pas. Il ne voulait pas prendre sur son temps de travail à la mairie car, là aussi, le travail était grand et il fallait respecter les hommes, les équilibres et donner une dynamique nouvelle à des endroits où elle avait été longtemps oubliée. Mais, au bout, le bonheur d'une maison qui vit, qui se construit, faire aux siens et à soi, gratuitement, le bonheur qu'on fait chez les autres...pour en vivre.
était-ce ces troubles qui le tenaient éveillé. Il ne savait le dire. Il y avait aussi ce sentiment d'un pays mal géré, confisqué par des politiques sans vision, sans autre ambition que la leur. Le manège d'un président incapable, agité par le moindre vent, n'ayant d'autre ambition que de défaire dans le pays ce à quoi l'homme tenait le plus : l'équilibre des familles, pour le remplacer par une vision confuse, malsaine, impossible, inspirée par des lobbys égoïstes et si peu scrupuleux. Un autre president, un moins pire, qui se présentait en sauveur. Il allait repartir bientôt , marcher contre des lois suicidaires, sans croire vraiment qu'il serait entendu.
Alors il Re- visitait en boucle, la vie des gens de bien, des gens de peu, des gens qu'il aimait à croiser tous les jours. Les siens d'abord, ceux qu'il avait reçu en partage et puis ceux qu'il croiserait dans le jour. Ceux qui se rappelleraient à lui par un courrier, par une attention, par un geste, par un commentaire.
Le temps était passé. Un mot avait suivi un autre. Les phrases se déroulaient maintenant sur l'écran. Il pouvait reprendre le sillon là où il l'avait laissé hier. Faire cette tâche qui suffit à chaque jour.
Je te laisse, ami. J'ai à faire. Je te souhaite une bonne journée.