Prière d’un lundi matin un peu particulier...

Cher frère V...

C’est juste un clin d’œil du Bon Dieu qui fait que je me trouve en ce moment en face de vous. J’étais assis avec ELLE dans une petite chapelle latérale quand un autre moine nous a demandé de bien vouloir laisser notre place à une jeune famille. Nous l’avons fait avec joie mais nous nous sommes retrouvés séparés, ELLE, a une place libre dans la nef et moi derrière le chœur des moines. Vous, votre fatigue et votre âge vous tiennent un peu en retrait de votre communauté.

Je suis là et je vous regarde. Je vous ai toujours connu là sans bien savoir qui vous étiez car vous êtes de ces hommes discrets et sages qu’on ne voit jamais au premier rang et qui ne portent aucune charge majeure. Vous êtes là quelques uns qui vivez depuis plusieurs dizaines d’années dans la prière et dans le dévouement discret et humble. Vous avez comme moi avancé en âge...et vous certainement en sagesse et j’ai eu récemment la chance de connaître un peu mieux votre vie et, d’ami anonyme vous êtes devenus un de ces santons que je me plais à aimer à admirer, un de ces petits saints de crèche dont l’histoire ne retiendra pas le nom mais qui sont tellement importants pour le monde.

Vous êtes là en face de moi, bien cassé, vous avez du mal à suivre le cortège de vos frères alors vous rejoignez le chœur  à un rythme qui vous appartient.

Je suis en face de vous perdu dans ces pensées confuses et vagabondes qui ont toujours occupé mon esprit depuis que j’assiste aux offices. En ce moment elles se déplacent auprès de ceux qui sont l’objet de nos prières maladroites : la liste est longue de ceux à qui nous souhaitions du bien, ou du meilleur.

Aujourd’hui un nom est particulièrement à l’honneur qui doit recevoir des grâces  de guérison par un sacrement dédié.

Il y a aussi parmi eux la longue liste de « nos » malades, ceux dont nous connaissons les maux et que avons envie d’assister à distance. Nous aimerions être là, assis en silence à côté, simplement présents car c’est souvent la seule assistance que nous pouvons leur apporter.

L’époque nous l’interdit un peu plus que d’habitude. Nous sommes loin et notre seule façon de les aider (mais pas la moindre) est de prier pour eux. Alors dans ce message invisible et inaudible, je vous demande de partager avec nous cette prière. Venant de vous elle sera certainement mieux accueillie encore.

La compassion, ou la sympathie, ces mots d’origines différentes ont le même sens et parlent bien d’une même volonté, partager une souffrance. C’est cela que je vous demande pour cette liste trop longue de noms qui défilent dans notre prière.

Chaque jour, chaque heure sont importants pour eux mais il y a des moments où nous voulons encore plus les associer de notre soutien. Alors je voudrais leur faire savoir qu’en plus de nous, vous êtes peut-être sans le savoir en train de les porter dans vos pensées.

Comme les plus humbles, vous n’avez pas besoin de savoir qui vous servez pour le faire avec grâce et tendresse.

Alors cher frère V. , aujourd’hui je m’associe à votre journée.

Je vous en remercie et du fond de ma petite vie je vous serre dans mes bras dans ces belles accolades de moines qui nous manquent tant.

Et toi, ami lecteur, si tu le peux je t’associe à cette prière.

Je t’embrasse.

Ps : chers amis qui n’avez pas la foi, ou pas la même que moi, je vous demande pardon de ces mots teintés de la religion que j’aime. Certains sont partis pour cela et je le regrette. Sachez que j’ai juste envie de partager dans ces lignes ce que je vis...même quand c’est un peu « différent ».