Portrait…

J’ai l’âge qu’ont aujourd’hui mes petits enfants. J’habite une très grande maison au milieu d’un domaine... perdu lui-même au milieu des forêts. Mes parents y louent pour un prix raisonnable les communs, c’est à dire l’ancien logement des jardiniers. C’est immense, chacun de nous peut y avoir sa chambre. 

Le parc est très grand, un terrain de jeux de plusieurs hectares, peu propice aux études mais tellement fait pour les jeux, les explorations, les découvertes.

Deux jardiniers l’entretiennent  : le fils qui y est salarié, son père qui y travaille en échange du fruit de ses récoltes.

C’est de ce père que je veux te parler aujourd’hui. Un homme grand, coiffé en été d’un large chapeau de paille et en hiver d’un chapeau de feutre éculé. Il est chaussé de sabots de bois qui lui donnent une démarche traînaillante. Un grand tablier, qui fut bleu, recouvre en été une chemise de coton, en hiver une veste de chasse en velours. Un couteau à enter est toujours accroché par une ficelle à sa ceinture. Il ne dit rien, jamais un mot. Il ne répond jamais à nos bonjours et nous croyons qu’il est sourd. Il a fait la guerre, la grande celle de 14-18. C’est peut pour cela qu’il a l’air si triste.

Il a l’âge que j’ai aujourd’hui…ou à peu près 😉.

Je ne l’ai jamais vu immobile mais ses mouvements sont si lents qu’il semble vivre dans une autre époque. Quelle que soit l’heure, quel que soit le jour il porte quelques légumes dans un grand panier de châtaignier.

Il m’impressionne énormément. Il me fascine.

Et je crois, je dois le dire, toutes proportions gardées, c’est à lui quand je vais au jardin, à qui j’aimerais rassembler.

Je pense qu’il y a longtemps qu’il a rejoint le père de tous les jardiniers dans ce qui doit ressembler à un jardin…mais tellement beau et prospère.

C’est un peu le monsieur mac gregor de Béatrice Potter. 

C’est à lui que je pense aujourd’hui.

Je n’irai  pas au jardin cet après midi.  Mais demain j’y serai à la première  heure. Et j’essaierai de lui ressembler.

Bon week-end ami lecteur. Je t’embrasse.