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et pourquoi ne pas le dire ?
30 juin 2011

Le jeu du "je"

Jacques s'était assis devant la feuille blanche. Très impressionné. Il avait enfin décidé d'écrire à la première personne du singulier. Ecrire à la première personne était pour lui quelque chose d'insolite, presque impudique. Toute son enfance, il avait reçu l'éducation complétement contraire. "Ne pas parler de soi." "Rester à sa place." "Ne pas considérer que ce qu'on faisait ou que ce que l'on disait pouvait avoir une quelconque importance." Ce n'était pas le cas dans sa famille où chacun des nombreux enfants avait toujours quelque chose à dire et ù régnait une douce anarchie. Là, ce qui était le plus difficile c'était de réussir à faire passer son message, à imposer sa voix.

C'était plutôt le mélange de cette éducation scolaire où seul ce qui était enseigné avait de l'importance et où il fallait surtout recevoir mais aussi l'ensemble des règles de la société. Il y avait aussi les jeux dans la cours où c'était les plus "grandes gueules" qui imposaient leurs avis. Jacques était plutôt timide. Il avait appris à se taire, à écouter, et à regarder.

Il avait compris par la suite que chaque être humain est à la fois sans importance et pourtant si intéressant. Il avait developpé son sens de l'observation, de l'admiration des plus petits au dépens de celle des grands : Eux tout le monde s'intéressait à eux. Chacun commentait leurs vies à l'envie. Alors pourquoi rajouter sa voix à l'unisson du concert des autres ?

Et comme Jacques était un peu orgueilleux, il avait pris l'habitude de se regarder lui-même comme il regardait les autres. Comme un étranger. Il avait pris l'habitude ainsi de parler de lui à la troisième personne du singulier.

Et cette schizophrénie consentie lui plaisait bien. Elle lui permettait du recul sur sa vie et même de petites auto-satisfactions.

Puis Jacques fit un blog. Un blog pour lui c'était une aventure. Il allait livrer aux autres ses écrits. Les livrer à des gens qui ignoraient tout de lui. Il allait laisser au hasard d'Internet quelques mots plusieurs fois par semaine....et puis voir.

Le résultat le surprit . Finalement pas mal de lecteurs qui au hasard de leurs journées ou de leurs nuits venaient lui rendre une petite visite. Il aurait eu envie de tous les connaître, de scruter leurs vies, de connaître leurs goûts, leurs intérets, leurs désirs. Il aurait eu envie de satisfaire toutes leurs envies en matière de lecture....pour lui d'écriture.

Parmi eux, certains mêmes dans leurs propres blogs se présentaient, s'annonçaient, se faisaient connaître. Il intervenait à son tour. Il dialoguait avec eux. Certains même ajoutaient en référence l'adresse de son blog, de son espace "à lui" et même parlaient de lui pour le faire connaître. Il adorait cette publicité, cette contamination. Il aimait aussi nventorier ces blogs, y laisser son avis, y recueillir le leur.

Il aimait recevoir aussi les messages de ceux qui n'avaient pas fait le pas d'avoir leur propre espace mais qui lui laissaient leur avis et souvent de délicieux messages. Il était surpris d'être souvent si bien perçu.

C'est le plus souvent le matin qu'il allait à l'attaque de sa page blanche, aux heures douces du silence le la nuit qui s'achève et de la maison qui dort. Eux venaient le rejoindre dans les jours et les heures qui suivaient. Parfois l'un d'entre eux laissait sa marque un peu plus tard. Au bout d'un ou deux jours le silence revenait.

Jacques commença à écrire :"Je...". Le reste ne suivait pas. Pourtant ce serait les mêmes choses qu'il allait raconter. Ses journées, celles des autres, ses sentiments. " Je suis...", "Je veux...", "JE pense que ....". Décidemment la phrase ne voulait pas s'achever. Lui revenaient les ombres de l'EGO dont on se moque, de ce MOI qu'il faut haïr, de "se rendre intéressant" qui le bloquaient sur place.

Il n'y parviendrait pas. Peut-être allait-il décevoir un lecteur ou une lectrice. Désolé, Jacques quittait son blog en laissant sa page presque vide et en se demandant même s'il allait la publier quand l'envie d'être lu et de vous retrouver tous fut si forte qu'il ne résista pas et appuya sur le fatal "poster et publier" en bas à droite de son écran.

Finalement il est en fut très heureux et les deux phrases qui lui vinrent furent "Je vous souhaite une très bonne journée." et "J'ai hâte d'avoir de bonnes nouvelles".

A très bientôt.

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Commentaires
J
Je suis chaque jour un peu plus agréablement surpris de la qualité des commentaires, voire des rebondissements d'écriture de ceux qui écrivent sur mon blog. Surtout continuez tous (et toutes !).<br /> Quant à donner un âge à Jacques c'est assez difficile : il pense souvent qu'il a l'âge de ses enfants et eux pensent parfois qu'il a celui de leurs grands parents. Il est encore dans ces années de vie où le travail est nécessaire et où le repos n'est pas encore à l'ordre du jour pour un gros morceau de temps...et c'est tant mieux.<br /> Merci de tout cela.
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Z
C'est très fort ce que vous posez sur la page, c'est intime.Je dirais que c'est un de vos plus beaux textes, mais le dis-je à chaque fois ? Preuve que votre écriture s'approfondit et se libère chaque jour. J'ai vécu l'expérience inverse, l'effort vers la troisième personne n'aboutit pas pour moi, alors je revins au je, sans inquiétude. Là-dedans, ne voir que des expériences riches et libératrices. Merci Jacques, c'est un bonheur de vous lire !<br /> Amitiés<br /> Zénondelle
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F
quel âge a Jacques ???<br /> Très important,<br /> cela expliquerait bien des choses,<br /> courage
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B
Encore un petit effort Jacques et vous y arriverez à dire ce JE. Et puis, vous verrez, ce n'est pas désagréable, ça n'engage que vous mais ça vous engage aussi vis à vis de vos si fidèles lectrices... "JE"vous souhaite une bonne journée <br /> PS: j'aime aussi que l'on me laisse un signe, une trace de passage... ne vous gênez pas et dites moi je
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B
Chaque matin je viens sur ce blog à la lecture de celui qui s'appelle M. Jacques et qui sait si bien écrire la vie et j'attends avec impatience le billet qui suivra ces textes en pointillés...en pensant que quelque chose de plus grand mûrit sur ce blog tout neuf! <br /> Ce matin ressemble à ce matin de mai, le mien où se dire à la première personne m'a aussi fait penser au "jeu" du "je", alors je vous livre moi aussi ce jeu de consonnes et de voyelles qui chantent au fond de notre coeur avant qu'on ose parler à la première persoonne .<br /> Mais que ce soit il ou je qui écrive , chacun apprécie votre billet et je vous livre le mien en partage.<br /> "Matin nouveau. <br /> J’ai le cœur aussi beau que ce petit matin de mai qui naît avec le ciel plein d’un bleu promesse et de soleil à venir.<br /> Les mots chantent et dansent dans mon cœur, ils bondissent, ils se posent, ils jouent. <br /> Je suis moi, je suis je, dans le je, dans le « jeu » de la vie ? J’ai envie de jouer avec les mots. Je suis celle qui suis. Je nais à moi, je suis dans l’enfantement de tout ce que je suis. J’ai ce bonheur au fond de tout mon être, ce bonheur qui me donne ma liberté, je suis à ma place dans cette création .<br /> Et si tout en fait n’était qu’une suite d’illusions. Un grand rêve mais un rêve à vivre, à aimer. Les mots : « un paradis perdu » me viennent à l’esprit. Pourraient-ils être le titre de ce grand livre que je pourrais écrire pour y tracer toute mon histoire semblable aussi à tant d’autres mais malgré tout différente et unique parce qu’elle n’appartient qu’au parcours qui est le mien et qui est dans le ressenti de l’instant ? l’instant à vivre, celui qui est le plus vrai, le plus grandiose, le plus sublime quand on découvre que le bonheur est là tout simple au fond de son cœur. Je pourrais être en même temps ici ou là,.. Mes doigts courent sur le clavier comme l’eau coule dans le ruisseau, les mots chantent dans ma tête et mon cœur comme l’oiseau chante sur la branche en ce petit matin de mai qui éclot…<br /> Paradis perdu, illusions perdues…<br /> Je rêve d’habiter ce monde , là où tant d’hommes et de femmes vivent ensemble , j’y viens faire de nombreuses expériences, celles de la vie qui bat au rythme de chaque pas, je veux aimer vrai, mais ce monde est immense et tout se côtoie, le riche et le pauvre, le juste et l’injuste, les larmes et les joies, le soleil et la lune, bref, tout ce qui est en contraste et j’apprends à travers tout cela à regarder le monde comme à travers un film et puis un matin, je découvre que je suis au cœur de cette création , que malgré toutes ces expériences faciles ou difficiles, je suis ici, dans toute la présence que je m’accorde en m’éveillant avec ce sourire bienveillant, cette joie profonde de n’être que celle que je découvre, vraie et pleine de mots qui chantent et si ce monde que je me suis fabriqué n’était qu’une suite d’illusions, alors ce paradis perdu est retrouvé, il est là, dans mon cœur de petite fille devenue femme, il est joyeux , il m’habite secrètement, il est mon secret. Mourir est aussi illusoire que naître. Etre suffit à être, que je sois caillou, terre, eau, feu ou air, je fais partie de la création et je peux tout contempler en cet instant qui m’appelle aujourd’hui à vivre libre.<br /> Le » bonheur n’est-il fait que le temps d’habiter l’instant ou… de le dépasser ?<br /> La vie n’est-elle contraignante que pour celui qui ne la laisse pas couler ? "<br /> Alors, bonne route aussi à vous, Monsieur Jacques, Monsieur JE et merci pour ce billet .
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et pourquoi ne pas le dire ?
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