Où il est question de mariage, de fête et de rois.
Mon cher Alphonse
Tu me pardonneras de répondre si tard à ta demande de nouvelles. Je sors d'une période un peu chargée. Il y a longtemps que je voulais t'écrire et je n'en trouve le temps qu'aujourd'hui.Un jour un peu plus calme, une petite parenthèse.
Je ne te parlerai ni du temps qui passe, ni du climat maintenant qu'un chaud soleil s'est installé et semble avoir enfin chassé pluie et vents.
Je ne te lasserai pas non plus avec le travail, la fatigue, les quelques soucis qui font que j'ai a eu du mal à tenir mes délais et mes échéances. Je te raconterai seulement un bon moment, une bonne journée.
Tu te souviens de ces amis belges dont je t'ai déjà parlé deux fois : la première fois à l'occasion d'un charmant dîner d'été, la seconde à propos d'un autre dîner...mais celui-ci d'hiver.
Et bien figure-toi que, samedi dernier, ils mariaient leur fille aînée et unique. Je t'ai déjà raconté leur maison nichée au pied d'une si belle église, mélange d'art roman et de rappels antiques, qui donne à ce paysage de Provence un petit air de Toscane. Une chapelle accrochée à la colline. Un haut clocher percé de chaque côté de quatre baies qui mériteraient d'étre garnies d'autant de cloches tant l'ensemble a un air joyeux.
La journée avait pourtant mal commencé. Rassure-toi : seulement de petites contrariétés. Plus de gaz au moment du repas et quelques minutes plus tard la voiture qui refuse de démarrer. Il fallut vite trouver des solutions dans la crainte d'être en retard et de ne pas trouver de place dont cette chapelle qu'on savait petite.
Et pourtant tout s'arrange et finalement on part à l'heure prévue. On sera parmi les premiers. Nos hôtes ont prévu des navettes qui transporteront les invités depuis le parking jusqu'à la chapelle pour ne pas encombrer le chemin de véhicules qui dénaturent toujours ces beaux paysages. On choisit pourtant de monter à pied malgré la chaleur car, c'est justement ce jour-là que le vent a décidé de s'arrêter de souffler.
Une belle cérémonie. Les chants que beaucoup connaissent sonnent joyeusement dans cette petite chapelle. L'émotion est au rendez-vous mais aucun esprit mondain ne vient ternir le recueillement de l'instant.
A la sortie de la messe deux fifres et deux galoubets donnent à la descente vers la maison un air de farandole et, en surplombant la maison, on découvre peu à peu à la fois les nouveaux aménagements de cette belle demeure et les installations nouvelles qui vont accueillir le mariage.
Il est encore tôt quand le cocktail démarre et nous aurons ainsi le temps de rencontrer de nombreux amis dont certains ont fait de loongs trajet pour venir jusqu'ici. Le parc est charmant. Bien ordonnancé il permet d'installer les buffets en plusieurs endroits, dans un jardin bien dessiné, toujours à l'ombre de beaux arbres qui donnent leur fraîcheur si agréable.
Il y a plus de vingt ans que nos amis s'ont installés et c'est l'occasion pour nous de revoir de nombreux amis. Ceux d'ici, bien en place, qu'on est contents de voir une fois de plus. D'autres maintenant éloignés qu'on retrouve avec plaisir.
L'assemblée est au premier abord assez hétérogène. Les amis et la famille venus de Belgique portent la jaquette de cérémonie qui donne un air un peu solennel aux hommes. Les Provençaux ont choisi des tenues plus légères mais, belges ou provençales, les femmes rivalisent de beauté et d'imagination pour le plus grand plaisir des yeux.
Et le temps s'écoule, agréable. On peut enfin approcher des mariés pour les féliciter et partager un peu de leur bonheur. Les discours des pères émouvants et drôles nous indiquent qu'il est temps de passer à table. On apprendra ainsi qu'on fête aussi l'anniversaire de mariage des parents de la mariée. Et dans ces temps un peu troubles que vivent nos deux pays, il est doux d'entendre le père du marié évoquer son roi et d'associer dans ses souhaits nos deux patries. J'avoue avoir alors eu ce petit regret des pays orphelins de rois où la tendresse ne trouve plus à s'exprimer envers ceux qui les gouvernent. Une dimension qui manque.
On cherche sa table. Une très grande tente mi-chapiteau, mi-tente berbère donne un petit air exotique à la colline et trouve naturellement sa place sous les ombrages des immenses platanes.
Je te tairai le repas pour ne pas te mettre l'eau à la bouche. Un doux mélange de produits et de vins locaux. Et le temps passe si vite en charmante compagnie qu'on se trouve déjà au dessert. Je t'avoue n'avoir que très peu approché la piste de danse profitant de ce temps pour continuer à admirer les derniers aménagements. J'arrive à un âge où on prend plus de plaisir à admirer le jeu des danseurs qu'à s'essayer soi-même à l'exercice.
On partira discrètement rejoindre une maison pleine d'enfants et de petits enfants endormis.
Voilà mon cher Alphonse à quoi on passe son temps dans notre beau pays de Provence, où les hommes sont fiers, les femmes belles et où il est important de savoir se couler dans le bonheur qui passe.
Viens vite nous y rejoindre,
Affectueusement,
Ton vieil ami.